Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


18 juillet 1750 (1)
M[onsieu]r Bouguer ayant offert de lire un ecrit intitulé : Remarques sur la premiere partie du memoire de M[onsieu]r de La Condamine qui a pour titre : Extrait des opérations trigonometriques et des observations astronomiques faites pour la mesure des degrez du méridien aux environs de l'equateur. L'Académie a ordonné que ce mémoire seroit soumis à M[essieu]rs Clairaut et de Thury (PV 1750, p. 355).

Gallica

Ce n'est qu'un épisode de plus dans une longue polémique entre Bouguer et La Condamine.

Le 29 juillet :
M[onsieu]r Bouguer a presenté un 2e mémoire sur l'extrait de M[onsieu]r de La Condamine lequel a été remis aux commissaires (PV 1750, p. 362).

Le 1 août :
M[onsieu]r de La Condamine a lu l'ecrit suivant
M[onsieu]r Bouguer a lu au mois de fevrier dernier dans nos assemblées un extrait de nos operations au Pérou pour être imprimé dans les Mémoires de l'année 1746 [(Bouguer 46b)]. On m'a prescrit un terme pour donner de mon côté un pareil extrait. Je l'ai donné avant le temps marqué, et lu il a plus de six mois à l'Académie [(La Condamine 46)]. Les deux extraits ont été destinés à l'impression par le comité.
Depuis que M[onsieu]r B[ouguer] sçait que le sien a été remis à l'imprimerie royale, j'apprends qu'il demande que je fasse des changements au mien. Les commissaires nommés par l'Académie pour connoître de nos contestations ne l'ont pas été pour juger de l'impression de ces extraits : je me soûmettrois volontiers à leur jugement sur ce point s'il n'avoit pas été déjà décidé par le comité : j'ai remis mon mémoire à M[onsieu]r de Fouchy qui me l'a demandé pour l'impression.
Si mon extrait contenoit quelque chose qui n'eut pas été lu à l'Académie, M[onsieu]r Bouguer seroit bien fondé à demander que ce que j'ai ajouté depuis la lecture fut ou supprimé ou soumis à un nouvel examen, mais je défie M[onsieu]r B[ouguer] de citer aucune pareille addition dans mon extrait, qui est tel que je l'ai lû dans nos assemblées, et tel qu'il a été communiqué à M[onsieu]r B[ouguer], hors que j'ai ajouté, comme M(onsieu]r B[ouguer] l'a souhaité que mon extrait a été lu avant que mon livre [(La Condamine 51)] fut publié.
Cette nouvelle difficulté m'a fait demander communication de l'extrait de M[onsieu]r B[ouguer] que je n'avois pas vû depuis qu'il en a fait lecture il y a 5 mois. Je n'ai eu cette communication que depuis 2 jours. J'y ai trouvé beaucoup de changemens et d'additions de choses qui n'ont point été luës à l'Académie. Je serois donc en droit de demander que les endroits ajoutés fussent ou retranchés, ou discutés contradictoirement.
Pour épargner à l'Académie cet ennui et de désagrément, je ne fait point cette demande, et je renonce à mon droit. Que M[onsieu]r B[ouguer] ait ajouté ou supprimé ce qu'il a voulu, j'y consens. Ce sera mon affaire de lui répondre en temps et lieu. Qu'il n'ait rapporté dans cet extrait que ses seules observations, et non les observations simultanées dont il s'étoit engagé solennellement à tirer la valeur du degré par sa lettre du 13 fevrier 1743 [Je m'arrêterai à vôtre dernier résultat si rigoureusement, que j'oublirai même les observations que j'ai faites avec tant de peines pendant près d'une an, quoiqu'elles soient confirmées par les vôtres NDA.], je ne m'en plaindrai pas. Je fais plus, je consens encore à ne pas user de représailles quant à présent, et à laisser mon extrait tel qu'il est.
Mais pour qu'on puisse juger de la manière dont M[onsieu]r Bouguer me combat, j'apporte ici son extrait, et M[onsieu]r le sécrétaire peut produire le mien. Il n'y a dans celui-ci que de simples corrections de style. Celui de M[onsieu]r B[ouguer], outre plusieurs additions en marge, a plusieurs feuillets écrits d'un caractere differant, quoique de la main de M[onsieu]r B[ouguer], et d'une encre visiblement differente. Lesdits feüillets coupés et recolés avec un onglet sur le feüillet correspondant, sont précisément ceux où il est question d'articles sujets à contestation, et n'ont point été lus à l'Académie. Tels sont les feuillets qui contiennent les pages 9 et 10, 31 e 32, 33 et 34 de son ecrit.
Les 94 paraphes que M[onsieu]r B[ouguer] a éxigés de la complaisance de M[onsieu]r le sécrétaire n'empêchent pas que M[onsieu]r Bouguer n'ait pu ajouter ces feüillets depuis la lecture faite à l'Académie, soit dans l'intervalle des assemblées dans le[s]quel[les] son mémoire a été lu, soit pendant le mois de mars suivant, que M[onsieu]r B[ouguer] l'a eu entre les mains, comme le prouve la datte du 24 mars que M[onsieu]r le sécrétaire avoit d'abord écrite au bas en le paraphant, et à laquelle il a substitué depuis par une rature, sans doute à la requisition de M[onsieu]]r B[ouguer], la date du 28 fevrier, jour auquel M[onsieu]]r B[ouguer] avoit achevé sa lecture. Quoi qu'il en soit, moins de paraphes et moins de feüillets postiches et recollés, prouveroient plus que le mémoire est tel qu'il a été lû que toutes les précautions prises par M[onsieu]]r B[ouguer].
Malgré tout cela, je le repete, je n'userois point de réprésailles, et je laisserai mon extrait tel qu'il est, ainsi que mon livre. M[onsieu]]r B[ouguer] n'a droit d'exiger autre chose, sinon que je n'y mette aucune expression offensante. Plusieurs académiciens qui l'on vû rendront témoignage à la maniere dont j' ai parlé de M[onsieu]]r B[ouguer]. Quant aux faits et aux choses, s'il a quelque objection à me faire, j'y repondrai dans son temps, et je lui ferai les miennes.
Je ne puis me persuader que M[onsieu]]r B[ouguer] ait le credit d'empecher l'impression de mon ouvrage qu'il retarde par ses attaques continuelles et prematurées, mais comme j'ai déjà eprouvé que M[onsieu]]r B[ouguer] a quelquefois obtenu qu'on fit des exceptions en sa faveur aux règles les plus constamment observées, si contre toute apparence il réussissoit par quelque voïe que ce fut à empêcher la publication de mon livre en France, on sent bien qu'il ne me resteroit d'autre ressource que de le faire imprimer ailleurs, et que mon honneur y seroit intéressé. Si je faisis alors quelque changement qui déplut à M[onsieu]]r B[ouguer] plus que l'ouvrage même, il ne pourroit s'en prendre qu'à lui, comme il doit se reprocher le scandale que l'eclat de nôtre dispute cause dans l'Académie et dans le public (scandale que je n'ai rien obmis pour éviter, jusqu'à sacrifier mes droits les plus évidents, de quoi je conserve la preuve, et les temoignages les plus authentiques) (PV 1750, pp. 363-364).

Jugement de l'Académie :
Aprés la lecture duquel lui et M[onsieu]r Bouguer s'etant retirés, on a été aux voix et il a été décidé que les deux mémoires seroient remis à MM. les commissaires qui seroient priés de veiller soigneusement à en ôter les personnalités ; qu'ensuite ils seroient donnés à l'impression, et qu'aucune des feüilles ne seroit tirée sans être paraphée par eux (PV 1750, p. 364).

Cela entraîne une réaction de Bouguer qui demeurera vaine (cf. 5 août 1750 (1)), les rapporteurs ne trouvant d'ailleurs rien à redire aux extraits concernés (cf. 2 septembre 1750 (1)).
Abréviations
  • HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
  • Mém. : Partie Mémoires de HARS 17..
  • NDA : Note de l'auteur.
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
Courcelle (Olivier), « 18 juillet 1750 (1) », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n18juillet1750po1pf.html [Notice publiée le 11 septembre 2010].