Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


23 juin 1746 (1) : Mme de Graffigny écrit à Devaux :
[Mlle Sauveur, gouvernante des enfants Richelieu] m'a conté l'histoire lamentable d'une des Finlandaises que tu as sue autrefois, qui était venue en France pour suivre un secrétaire de l'ambassade de Maupertuis. L'une est entrée, dès qu'elle a su le français, femme de chambre de Mme la duchesse d'Aiguillon. L'autre est restée dans une communauté à la merci de Maupertuis. Elle s'est tellement prise d'amour pour lui que la tête lui en a tourné. On a voulu la renvoyer dans son pays avec une lettre de cachet. On la conduisit jusqu'à Rouen. Quand on voulut la faire monter [dans] le vaisseau, elle fit de si grand cris en criant [!] à la violence, que sa sœur, qui l‘avait conduite, la ramena. Il y a de cela quatre ans. Actuellement cette pauvre créature est au Trésor dans l'abbaye de la sœur du duc de Richelieu, où on l'a conduite en lui faisant croire que c'était à la maison de campagne de Maupertuis. Quand elle fut entrée et qu'elle vit des religieuses, elle devint encore plus folle. Cependant elle a beaucoup de bons intervalles où elle raisonne et travaille très bien. J'en ai une pitié horrible. Quelle tyrannie ! Elle n'a que 28 ans, et ce qu'il y a de bien plus singulier, c'est qu'un gentilhomme de Normandie [Anne Potier de Sévis de Pelletot (cf. 20 septembre 1736 (3))] qui n'avait vu sa sœur que dans le coche, est venu l'année dernière la demander en mariage. Il remit 40 000 livres entre les mains de Mme d'Aiguillon qu'il a reconnu avoir reçu de cette fille. Elle est à présent une Madame, grosse, prête d'accoucher dans une fort jolie terre et fort à son aise. L'histoire de ces filles ferait, sans rien ajouter, un roman fort singulier (Graf. 1015, vol. 7, pp. 480-481) (Mary Terrall, CP, 13 août 2003).
Les 28-30 juin 1746, Devaux écrit à Mme de Graffigny :
L'histoire des deux Finlandaises est fort singulière. Il est vrai qu'on en ferait presque un joli roman. C'est donc de Maupertuis, et non de son secrétaire, que cette folle est devenue folle ? Est-ce qu'il a eu la cruauté de lui tenir rigueur? Le malheur de celle-ci n'est pas plus étonnant que le bonheur de l'autre. Ces deux filles n'étaient donc pas naines, comme les Lapones et comme je le croyais, car je n'imagine pas que le gentilhomme eût acheté si cher un si vilain petit monstre (Graf. 1019, n. 10, vol. 7, pp. 496) (Mary Terrall, CP, 13 août 2003).

Le 3 juillet 1746, Mme de Graffigny écrit à Devaux :
L'article suivant de ta lettre montre assez que ta tête n'était pas remise de sa convulsion. On ne peut répondre plus complètement de travers que tu fais sur les Finlandaises. Tu es comme Socrate. À quoi t'a servi de tant lire si tu crois que les Finlandais sont des Lapons ? Ces noms seuls devraient t'avoir empêché de dire cette ignarderie. Ces deux filles sont aussi grandes que moi, car je les ai vues et presque mesurées. Puisque je te dis que l'une d'elle est folle pour Maupertuis, ce n'est pas pour son secrétaire, comme tu le demandes aussi spirituellement que tu confonds les Lapons. Apparemment que tu ignores que Maupertuis est en Prusse, puisque tu ne trouves point d'autre motif à la folie de cette fille que la rigueur qu'il lui a tenue. Et ou prends-tu cette rigueur ? Puisque je t'ai mandé, car je m'en souviens, qu'il en avait mis une chez Mme d'Aiguillon et que l'autre, il l'avait tenue dans une communauté, et qu'il en usait comme des choux de son jardin (Graf. 1019, vol. 7, pp. 494-495) (Mary Terrall, CP, 13 août 2003).

Le 6 septembre 1746, Mme de Graffigny écrit à Devaux :
En causant [Mlle Sauveur, ancienne gouvernante des enfants de la duchesse de Richelieu] m'a dit que [l'abbesse du Trésor, sœur du duc de Richelieu] s'en retournait à la fin de ce mois. Il m'est venu comme un éternuement de lui proposer de prendre la petite minette [Anne-Catherine de Ligniville, fille de la cousine de Mme de Graffigny, et future Mme d'Helvétius]. Ses pensions ne sont que de cinquante écus. Elle serait à merveille pour la nourriture, la promenade et même la compagnie car, outre que l'abbesse est charmante, c'est que cette gouvernante est une commère qui a de l'esprit, du monde, de la politesse et de l'agrément. Ce n'est qu'à 25 lieues d'ici. Toutes les semaines, il va et vient un coche. En deux jours, je pourrais l'avoir si je tombais malade [mais Anne-Catherine de Ligniville arrivera le lendemain du départ de l'abbesse et elle ne semble pas avoir été logée à l'abbaye du Trésor] (Graf. 1045, vol. 8, pp. 60-61).

[Mlle Jeanne-Catherine Sauveur, dame de Chenailles, ancienne gouvernante des enfants de la duchesse de Richelieu semble habiter auprès de Mme de Richelieu à l'abbaye du Trésor] (Graf. 1049, vol. 8, p. 65).

Un drôle de visiteur :
Le maréchal [de Richelieu] allait souvent […] voir [sa fille éduquée à l'abbaye du Trésor à partir de 1747], et comme frère de l'abbesse, il entrait dans le monastère ; pendant que sa sœur était occupée, il le parcourait souvent seul. Il aperçut un jour une religieuse fort jolie, victime de l'ambition d'un frère, qui gémissait dans ce cloitre où elle n'avait porté que des regrets.
Son air languissant, sa jeunesse, l'intéressèrent ; l'habit qu'elle portait était encore un attrait de plus pour le maréchal ; il entreprit de lui donner quelques consolations. Son rang, sa facilité à parler à une femme, et à lui exalter l'imagination, contribuèrent à le faire écouter favorablement. Il aperçut que cette jeune servante du seigneur avait des sens qui parlaient quelquefois malgré la défense du directeur. Cette découverte fut suivie de quelques rendez-vous. Elle quittait sa cellule sans bruit ; et, par une petite porte dont Richelieu avait fait faire une clef, elle se rendait dans son appartement. C'était tous les jours avec une nouvelle peine qu'elle s'arrachait de ce lieu de délice ; mais la fatale nécessité l'obligeait de le quitter avant la nuit.
Soit hasard, soit que l'abbesse s'étant aperçue du goût de son frère, en femme excessivement charitable, ne voulût point le contrarier, le maréchal, à son retour, trouva cette religieuse admise dans l'intimité de sa sieur. Ce fut une facilité de plus pour se concerter avec elle ; mais le plaisir dura peu : une fièvre maligne qui enleva cette fille, prévint des regrets que l'éloignement du maréchal aurait bientôt fait naître (Richelieu 96, pp. 368-369).
Abréviation
  • CP : Communication personnelle.
Références
  • Graffigny (Françoise d'Apponcourt de), Correspondance de Madame de Graffigny, J. A. Dainard et al. Eds, Oxford, 1985- [Maupertuis] [[? juillet 1734]] [Plus].
  • Richelieu (Louis-François-Armand de Vignerot du Plessis), Véritable vie privée du maréchal de Richelieu, L. Porquerol éd., Le Promeneur, 1996.
Courcelle (Olivier), « 23 juin 1746 (1) : Mme de Graffigny écrit à Devaux », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n23juin1746po1pf.html [Notice publiée le 27 avril 2009, mise à jour le 3 mai 2011].