Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


4 juillet 1736 (1) : Camus (Torneå) écrit à Geoffroy :
Lettre de Mons[ieu]r Camus écrite a Mons[ieu]r Geoffroy

A Torneå le 4 juillet 1736

Nous partons enfin demain, Monsi[ieu]r, pour aller mesurer un degré dans la Laponie. Depuis plus de 13 jours que nous sommes a Torneå [cf. 20-21 juin 1736] nous nous sommes occupés a parcourir les cotes du fond du golfe de Bothnie pour examiner si en liant des triangles d'isles en isles nous ne pourrions point parvenir a avoir trigonometriquement la mesure d'un degré mais nous n'avons pas eté assés heureux pour trouver cette operation possible, les cotes et les isles qui sont voisines etant dans une direction qui fait avec le meridien un angle de plus de 45 deg[rés] en manquant même quelquefois de maniere qu'il faudroit sup[p]leer par quelques mesures actuelles sur la glace. Nous avons aussi remarqué que la mesure actuelle d'un degré sur la glace n'est pas une chose praticable, car si l'on vouloit faire cette opéation sous un même meridien il faudroit travailler en pleine mer a plus de 8 lieuës de la cote, ce qu'il est presque toujours impossible d'aller. A une aussi grande distance de la cote faite de glace d'ailleurs, quand meme nous aurons un hiver aussi rude que le dernier qui a gelé le golfe entier de l'e[st] a l'o[uest], l'operation seroit encore impossible, car dans l'hyver ou les jours sont très courts, il faudroit employer une moitié du tems pour aller a l'ouvrage et l'autre moitié a revenir, ainsi l'ouvrage n'avançant point ou tres peu, on ne pourroit point parvenir a mesurer l'espace qu'on se propose. Il y a encore deux inconvenients qui ne nous laissent pas lieu d'esperer aucun avantage de la glace, si ce n'est celui de mesurer une base aupres des cotes et des habitations : 1°. C'est que quand on va a une lieue de la cote sur la glace, on la trouve souvent fendue en sorte qu'il faut un pont de planches pour passer, quelquefois même un vent un peu fort sans etre absolument violent romp[t] la glace et peut rendre nuls l'ouvrage et les geometres. 2°. Comme il ne[i]ge beaucoup dans ce païs cy, que dans une nuit il peut tomber jusqu'à 8 pieds de ne[i]ge, il faut attendre quelquefois longtems que la ne[i]ge doit affermir a moins qu'on ne veuille marcher avec de longues planches attaché[e]s aux [pieds] comme le font les gens du païs.

Nous n'avons encore aucune connaissance des montagnes ou nous allons travailler. Peut etre y trouverons nous des difficultés qui nous les ferons abbandonner. Comme j'ai eté un de ceux qui ont examiné les cotes de Bothnie et que je scai[s] par moi même et par le rapport des gens du païs que j'ay interrogé qu'elles sont plattes a plus de 6 li[eues] dans les terres, j'ay proposé de faire couper une route du nord au sud a travers les bois. Cette operation a paru d'abord monstrueuse, mais après l'inspection du detail que j'en ai fait, on l'a trouvé plus raisonnable, et enfin toute la compagnie n'est plus eloignée de mon avis. Car enfin il ne nous faut qu'environ 50 000 toises bien mesurées, et si la route que je propose a deux toises de large, il n'y a pas 100 arpens de bois a abbatre et j'entreprendr[ais] bien de le faire pour 2000 ecus.

Nous sommes logés icy cher les bourgmaistre et nous avons de fort honnetes gens... Pour la vie ell est est assés bonne... Le poisson y est très commun et un saumon de 3 pieds de long ne coute que 20 s[ols] de France. Nous n'avons vu encore aucun fruits murs. On nous promet des fraises excellentes et en abbondance dans 15 jours. On nous vante aussi des […] qui viendront a peu près dans le meme tems qu'on dit etre au dessus des fraises, mais je me deffie du goût des gens d'icy.

J'ai l'honneur d'etre etc. signé Camus (BnF, Ms fr. 9674, f. 48).
Abréviation
  • BnF : Bibliothèque nationale de France, Paris.
Courcelle (Olivier), « 4 juillet 1736 (1) : Camus (Torneå) écrit à Geoffroy », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n4juillet1736po1pf.html [Notice publiée le 20 février 2012].