Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


20 décembre [1738] : Voltaire (Cirey) écrit à Maupertuis :
Madame la marquise du Châtelet, et moi indigne, nous sommes si attachés à ce qui a du rapport à votre mesure de la Terre et à votre voyage au pôle, nous sommes d'ailleurs si éloignés des mœurs de Paris, que nous regardons votre Lapone trompée [cf. 20 septembre 1736 (3)] comme notre compatriote. Nous proposerions bien qu'on mît en faveur de cette tendre hyperborréenne une taxe sur tous ceux qui ne croient pas la Terre aplatie ; mais nous n'osons exiger de contributions de nos ennemis. Demandons seulement des secours à nos frères. Faisons une petite quête. Ne trouverons-nous pas quelques cœurs généreux que votre exemple et celui de Madame Clairaut auront touchés ? Madame du Châtelet, qui n'est pas riche, donne déjà 50 liv. ; moi qui suis bien moins bon philosophe qu'elle, et pas si riche, mais qui n'ai point de grande maison à gouverner, je prends la liberté de donner 100 francs. Voilà donc cinquante écus qu'on vous apporte ; que quelqu'un de vous tienne la bourse, et je parie que vous faites mille écus en peu de jours. Cette petite collecte est digne d'être à la suite de vos observations ; et la morale des Français leur fera autant d'honneur dans le Nord que leur physique.

[...]

La voyageuse Académie
Recommande à l'humanité,
Comme à la tendre charité,
Un gros tendron de Laponie.
L'amour, qui fait tout son malheur,
de ses feux embrasa son cœur
Parmi les glaces de Bothnie.
Certain français la séduisit :
Cette erreur est trop ordinaire ;
Et c'est la seule qu'on fit
En allant au cercle polaire

Français, montrez-vous aujourd'hui
Aussi généreux qu'infidèles ;
S'il est doux de tromper les belles,
Il est doux d'être leur appui.
Que les Lapons, sur leur rivage
Puissent dire dans tous les temps :
Tous les Français sont bienfaisants ;
Nous n'en avons vu qu'un volage (D 1698).
Le 29 [décembre 1738], Voltaire à Thieriot :
En réponse à votre lettre du 24, je vous prie mon cher ami de lire les petits versiculets qui se trouvent dans ma lettre [D 1698 NDE] à Sir Isaac, c'est une petite formule de quête pour les Lapones, suivant les rites de bienfaisance de l'abbé de S[ain]t Pierre d'Utopie (D 1717).

Le 29 décembre 1738, Voltaire écrit à Thieriot :
[Voici une lettre] assez singulière pour M. de Maupertuis. Je vous prie de la lui donner avec cent cinquante livres qu'il mettra dans le tronc des Lapones. M. l'abbé de Saint-Pierre apellera cela une Bienfaisance [cf. D 1642 n. 12 NDE] mais c'est une réparation que la France doit (D 1722).

Voltaire quinze ans plus tard, après la brouille avec Maupertuis :
En l'an de grâce 1738 il prit dans ses griffes deux habitants de la zone glaciale, et écrivit à tous ses amis comme à moi que c'était le chirurgien de la troupe mesurante qui avait enlevé ces deux pauvres diablesses : et en conséquence il fit d'abord faire une quête pour elles comme réparateur des torts d'autrui. Je lui envoyai cinquante écus du faubourg d'enfer nommé Cirey où j'étais pour lors. Le diablotin Thiriot porta les dites cent cinquante livres tournois : témoin la lettre du diablotin Thiriot que j'ai retrouvée parmi mes papiers, en date du 24 [décem]bre 1738, à Paris : Mon cher ami, je portai hier les cinquante écus au père xx, de l'Académie des sciences, et je lui étalai tout ce que me faisait sentir votre générosité pour les deux créatures du Nord. Je voudrai bien qu'une si bonne action fut suivie etc (D 5756, Voltaire au marquis d'Argens, [mars/avril 1754]).
Abréviation
  • NDE : Note de l'éditeur.
Référence
Courcelle (Olivier), « 20 décembre [1738] : Voltaire (Cirey) écrit à Maupertuis », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n20decembreco1738cf.html [Notice publiée le 15 juillet 2007].