Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


21 août 1742 (1) : Clairaut (Paris) écrit à MacLaurin :
Monsieur,

Je serais extrêmement honteux d'avoir tant tardé à vous répondre [à une lettre perdue NDE] si je n'avais espéré de jour en jour recevoir votre livre [(MacLaurin 42)] et pouvoir vous en parler, mais ne l'ayant pas encore reçu depuis le temps qu'il est à Londres je vois que ce serait trop longtemps différer si j'attendais encore. Je prends donc le parti de vous remercier toujours d'avance car je ne doute pas du plaisir que me fera la lecture d'un livre qui vient de vous et qui m'annonce les sujets les plus intéressants. J'ai fait écrire à Londres à M. l'envoyé de France afin qu'il me fît venir votre ouvrage car M. Richardson m'a dit que c'était lui qui l'avait. Je suis charmé que vous m'ayez adressé ce M. Richardson car il m'a paru un homme de mérite dans le peu que j'ai pu m'entretenir avec lui. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour l'obliger, car venant de votre part rien ne saurait plus m'intéresser.

Le fait d'histoire naturelle dont vous me parler dans votre dernière est très vrai. On appelle cet animal le polype de la lentille d'eau parce qu'on le trouve auprès de cette [pl]ante. Il m'a paru à peu près de la grandeur d'un clou de g[i]rofle. M. de Réaumur, très habile naturaliste, a répété les observations sur ce polype qui lui avaient été mand[é]es par un médecin de Genève [Sans doute Bonnet qui faisait état des observations de Tremblay en Hollande, cf. (Réaumur 42), (Tremblay 44), (Bonnet 45) NDM]. Ces observations consistaient en ce que si on coupe le polype en 5, 6 etc. parties de quelques manières que ce soit, chaque morceau redevient un animal entier, et si on laisse un petit filet qui tienne les morceaux ensemble, on fait des monstres. Ce polype n'est pas le seul animal qui ait cette propriété. Il y a une sorte de ver qui se tient dans la [t]ourbe. Lorsqu'on le coupe dans le sens de ses anneaux, chaque partie refait un animal entier. Quant aux oeufs de ces animaux, je ne crois pas qu'il y en ait. je crains que ceux qui vous en auront parlé n'aient confondu les animaux dont je viens de parler avec des insectes qu'on appelle pucerons. Cette sorte d'animal se reproduit sans accouplement. C'est encore un fait qu'on avait mandé à M. de Réaumur et qu'il a vérifié. Il a pris un de ces pucerons en naissant, il l'a mis sur feuille qui avait été bien lavée, il a placé la feuille sur de l'eau qui avait bouilli afin d'être sûr qu'elle ne renfermait aucun germe d'animal. Il a enfermé le tout dans verre dont le dessus était bouché d'un parchemin percé de trous beaucoup plus petits que ceux par lesquels de pareils animaux auraient pu passer. Au bout de 13 jours, le puceron en a fait d'autres. L'observation a été répétée plusieurs fois et n'est pas douteuse.

J'oubliais de vous dire à propos du premier animal appelé polype qu'on a répété l'opération sur plusieurs animaux aquatiques beaucoup plus grands et qu'on a trouvé beaucoup d'espèces qui ont la même propriété.

Vous me disiez dans votre dernière que si quelques-uns de nos Messieurs de l'Académie avaient la langue anglaise familière, vous vous feriez un plaisir de lui envoyer un exemplaire de votre livre. Je prendrai donc la liberté de vous prier d'en donner un à M. Camus, l'un de mes camarades du Nord. Un habile homme dans toutes les parties des mathématiques, et très digne de votre ouvrage. Quant au troc que vous voudriez faire de quelques-uns de vos livres contre les mémoires de l'Académie, je ne doute pas qu'il ne se puisse faire. J'en parlerai à quelques libraires que je connais et je vous en rendrai bon compte la première fois que j'aurai l'honneur de vous écrire. Mais faites-moi l'honneur de me mander si c'est tous les mémoires de l'Académie que vous voudrez avoir ou si c'est simplement quelques volumes qui vous manquent, et si vous voudriez aussi avoir d'autres ouvrages français, dites-moi aussi le nombre d'exemplaires que vous voudriez envoyer à Paris et les moyens de les faire venir, le prix qu'ils coûteront à Londres. En attendant réponse sur tous ces points, j'ai l'honneur de vous assurer de l'estime et du respect avec lequel je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut.

Paris, 21 août 1742 (MacLaurin 82, pp. 372-374).
Clairaut avait écrit à MacLaurin le 18 septembre 1741 (cf. 18 septembre 1741 (1)).

Clairaut recevra (MacLaurin 42) vers le 8 octobre (cf. [c. 8] octobre 1742).

La réponse de MacLaurin à cette lettre est perdue.

Clairaut réécrit à MacLaurin le 19 novembre (cf. 19 novembre 1742 (1)).
Abréviations
  • NDE : Note de l'éditeur.
  • NDM : Note de moi, Olivier Courcelle.
Références
Courcelle (Olivier), « 21 août 1742 (1) : Clairaut (Paris) écrit à MacLaurin », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n21aout1742po1pf.html [Notice publiée le 26 juillet 2009].