Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


21 [mai 1749] (2) : Marquise du Châtelet.
Madame du Châtelet étant de retour à Paris, se replongea dans les sciences, voulut faire imprimer son Commentaire au Newton, auquel elle travaillait depuis longtemps. Pour être plus sûre de son ouvrage, elle fit prier M. Clairaut, de l'Académie des sciences, de revoir son ouvrage et de vérifier ses calculs. Cette opération demandant quelque temps, elle passait ses journées avec lui dans un appartement au second, où ils se renfermaient pour n'être point interrompus, et le soir ils soupaient ordinairement chez M. de Voltaire, qui avait alors sa maison montée. Il était souffrant depuis quelques jours, son estomac ne digérant point. Son remède ordinaire était la diète la plus exacte, et de laver beaucoup avec un thé léger. Un soir se trouvant avoir besoin, il voulut souper de meilleure heure qu'à l'ordinaire. Il m'envoya les avertir. Mme du Châtelet, qui voulait achever quelque chose qu'elle avait commencé à vérifier, demanda un quart d'heure ; une demi-heure se passe ; j'y retourne, on me dit : nous descendons. Sur cette réponse, M. de Voltaire fit servir. Comme ils ne descendaient point, les plats se refroidissaient. M. de Voltaire, s'impatientant, monta comme un furieux, trouvant la porte fermée en dedans, il l'enfonça d'un coup de pied. Au bruit qu'il fit, on quitta l'ouvrage et l'on vint se mettre à table. En descendant, il leur dit : « Vous êtes donc de concert pour me faire mourir ». Ordinairement leur souper était gai et long ; ce jour-là, il fut court ; on ne mangea presque pas ; chacun d'eux, les yeux fixés sur leurs assiettes, ne disaient pas un mot. M. Clairaut se retira de bonne heure, et fut quelque temps sans revenir à la maison ; enfin, on se raccommoda, et M. il acheva de revoir tout l'ouvrage de Mme du Châtelet (Longchamp 09, p. 71).

Madame la marquise du Châtelet, ayant traduit Newton, voulait faire imprimer son commentaire ; pour cet effet, elle pria M. Clairaut, de l'Académie, de vouloir bien revoir son ouvrage et vérifier ses calculs pour qu'il ne s'y trouvât point d'erreurs. Cette opération demandant quelque temps, elle passait ses journées avec lui dans un appartement au second, où ils se renfermaient pour n'être point interrompus, et le soir ils soupaient ordinairement chez M. de Voltaire, qui avait alors sa maison montée. M. de Voltaire, qui était souffrant depuis quelques jours, son estomac ne digérant pas, et dont le remède ordinaire était la diète la plus exacte, se trouvant avoir besoin, voulut souper de meilleure heure qu'à l'ordinaire ; il m'envoya les avertir. Voulant achever un calcul qu'ils avaient commencé à vérifier, Madame demanda un quart d'heure ; une demi-heure se passe ; j'y retourne, on me dit : « Nous descendons ». Sur cette réponse, M. de Voltaire fait servir ; comme ils ne descendaient point et que les plats se refroidissaient, M. de Voltaire monte comme un furieux ; trouvant la porte fermée en dedans, il l'enfonce d'un coup de pied : au bruit qu'il fit, on quitte l'ouvrage et l'on vient se mettre à table. En descendant, il leur dit : « Vous êtes donc de concert pour me faire mourir ». Ordinairement leur souper était gai et long ; ce jour là, il fut court ; on ne mangea presque pas : les yeux fixés sur leur assiette, ils ne dirent pas un mot. M. Clairaut se retira de bonne heure, et fut quelque temps sans revenir à la maison. Enfin, on se raccommoda, et M. Clairaut acheva de revoir tout l'ouvrage qui fut imprimé et parut (Longchamp 63).

La version publiée en 1826 (Longchamp 26) avait été sérieusement réécrite par Decroix. Celle publiée en 1863 (Longchamp 63) l'a probablement été d'après un autre manuscrit de Longchamp (Longchamp 09).

Alexis-Claude Clairaut [...] vint à Cirey [!], comme tant d'autres savants, pour parler de sciences avec Madame du Châtelet. Mais cette dame aimait s'enfermer avec lui pour résoudre des problèmes, ce qui contrariait infiniment Voltaire. (A. N.) (Graffigny 79, pp. 91-92, n. 2).

Clairaut a eu pour élève et pour amie la célèbre marquise du Châtelet, la docte et belle Émilie, qu'il a aidée dans sa traduction du Livre des principes ; c'est sous les ombrages épais de Cirey [!], en tête à tête avec la marquise, qu'il donnait ses fameuses leçons d'astronomie qui irritaient si fort Voltaire, qu'un jour il s'emporta contre M. du Châtelet et finit par lui dire, en mêlant le comique au sérieux : « Ma foi, marquis, il y a un gérant responsable, et je m'en lave les mains » (Marie 83-88, vol. 8, p. 155).

Cette intimité [entre la marquise du Châtelet et Voltaire] ne fut pas toujours exempte de nuages. La folle marquise, compromise par Clairaut, son maître de mathématiques, avait été pardonnée par Voltaire, et Émilie avait congédié Clairaut (Tressan 97, p. 85).

[La marquise du Châtelet] étudia avec Clairaut les problèmes des mathématiques les plus transcendantes et, dit-on, quelques questions moins abstraites (Jovy 06, p. 8).

Lefebvre :
Nous verrons que, plus tard [après 1736], Clairaut alla lui-même donner à la marquise, jusque sous les ombrages de Cirey, des leçons d'astronomie et l'aider dans sa traduction des Principes de Newton : Elle eut la gracieuseté de payer son maître d'astronomie en faisant patronner par Voltaire et par les amis de Voltaire le Traité de géométrie [!] […] Peut-être [ces pages de C. 21] furent-elles écrites à la prière de la marquise, en souvenir de conversations échangées à Cirey entre le maître et l'élève [NDA : De retour de Laponie, Clairaut alla plus d'une fois passer quelques jours à Cirey, et on y parla géométrie : « un des meilleurs géomètres de l'Univers, et sans contredit un des plus aimables hommes, écrit de lui [de Maupertuis !] Voltaire à Thieriot, le 24 mars 1739 [cf. 24 mars [1739]], quitte Cirey pour Paris, et c'est la seule faute où tomba ce grand homme », et dix jours plus tard (3 avril) à une lettre du même au même : « Cirey vous demande un Euclide grec et latin »] (Lefebvre 23).

Rien n'indique que Clairaut, qui a souvent été confondu avec Maupertuis (cf. 24 mars [1739]), soit allé au moins une fois à Cirey (cf. 23 octobre 1734 (1)).
Abréviations
Références
  • Graffigny (Françoise d'Apponcourt de), Lettres de Mme de Graffigny, éd. E. Asse, Paris, 1879.
  • Jovy (Ernest), Quelques lettres inédites de la Mise Du Châtelet et de la duchesse de Choiseul (1745-1775), Paris, 1906.
  • Lefebvre (B.), « Clairaut et Carnot », Revue des questions scientifiques, 4 (1923) 166-191, 441-462 [31 août 1740 (1)].
  • Longchamp (Sébastien G.), Anecdotes sur le vie privée de Monsieur de Voltaire, F. S. Eigeldinger et R. Trousson éds, Paris, 2009 [[? juillet 1734]].
  • Longchamp (Sébastien G.), « Mémoires de S. G. Longchamp », Mémoires sur Voltaire, Halbanès-Havard éd., 2 vol., Paris, 1826, vol. 2, pp. 175-177.
  • Longchamp (Sébastien G.), Voltaire et Mme du Châtelet, éd. d'Albanes Havard, Paris, 1863, pp. 51-52 [Télécharger].
  • Marie (M.), Histoire des sciences mathématiques et physiques, Paris, 1883-1888.
  • Tressan (Henri-Antoine-Gérard de Lavergne), Souvenirs du comte de Tressan, Versailles, 1897.
Courcelle (Olivier), « 21 [mai 1749] (2) : Marquise du Châtelet », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n21comai1749cfpo2pf.html [Notice publiée le 29 juillet 2010].