Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


5 septembre 1750 (1) : Les prix :
Le prix de 1749 ayant été remis à 1751, on a continué les mêmes commissaires [cf. 6 septembre 1748 (1)], scavoir MM. Camus, Clairaut, Bouguer, de Thury et d'Alembert (PV 1750, p. 408).

Gallica

Le sujet du prix sur « la meilleure manière de déterminer en mer les courants, leur force et leur direction » avait été annoncé lors de l'assemblée publique du 12 avril 1747 (cf. 12 avril 1747 (1)) et remis lors de l'assemblée publique du 16 avril 1749 (cf. 16 avril 1749 (1)).

Sept pièces (dont une comportant deux additions) supplémentaires ont été retenues :
N° 1. Receu le 30 aoust 1749 une pièce qui a pour devise Flabit spiritus ejus, et fluent aquae pour concourir au prix de 1751 et je l'ay numerottée 1.
N° 2. Receu le 6 decembre 1749 une pièce qui a pour devise Ad laudem et gloriam nominis domini ad utilitatem quoque hominum pour concourir au prix de 1751. Je l'ay numerottée 2.
N° 3. Receu le 2 juillet 1750 par la poste un paquet venu de Basle contenant une pièce qui a pour devise Peragit tranquilla potestas quod violenta nequit pour concourir au prix de 1751. Je l'ay numerottée 3 et j'en ay envoyé une recépissé à M. Brakenhoffer à Strabourg [(Bernoulli 69a)].
N° 4. Receu le 19 aoust 1750 une pièce francoise pour concourir au prix de 1751. Elle a pour devise Ridet in humanis divina potentia rebus. Je l'ay numerottée 4.
N° 5. Receu le 24 aoust une pièce et deux additions pour concourir au prix de 1751. Elle a pour devise Assiliunt fluctus imoque a gurgite pontus vertitur. Je l'ay numerottée 5.
N° 6. Receu le 26 aoust 1750 une pièce francoise pour concourir au prix de 1751. Elle a pour devise Avec ce peu de mots que je viens de dire, on peut découvrir la question qu'on désire. Je l'ay numerottée 6 et j'en ay donné un recépissé.
N° 7. Receu le 31 aoust 1750 une pièce francoise pour concourir au prix de 1751. Elle a pour devise Ipse docendus adhuc quæ censeo respicite, ne si cæcus iter monstrare velit. Je l'ay numerottée 7.
[…]
Le 28 may 1751, j'ay recû par M. Le Monnier une pièce pour concourir au prix de 1751. Elle luy avoit été donnée le 21 avril avec un billet cacheté et une lettre qui porte qu'elle avoit été envoyée à temps mais que le vaisseau qui la portoit avoit fait naufrage. L'Academie a decidé que je la garderoit et qu'il seroit fait mention de tout cecy tant sur le registre de l'Académie que sur celuy cy ce qui a été exécuté (AAS, Registre du prix de l'Académie royale des sciences, vol. 1, p. 8).

Le 6 [sept]embre 1750, de Saint-Malo, Brisart écrit à [Grandjean de Fouchy] :
Monsieur,
J'ay ap[p]ris par deux voie[s] differantes que l'Academie royalle des sciences avoit proposé un prix pour 1749 dont le sujet est « la meilleure maniere de determiner, lorsqu'on est en mer, les courants, leur force et leur direction », et qu'elle n'a pas cru devoir couronner, la question ayant a peine ete ef[f]leuré[e], elle a eté remise a l'assamblée d'apres Pasque de 1751. Je ne m'eton[n]e pas que cette question n'ait eté qu'effleurée, j'ay tant veu d'habilles gens dans la théorie qui perdoient tout d'un coup leur s[c]iance, quant on les met[t]oit a pratiquer ce qu'ils conseillaient aux autres, que je ne me surprand[s] pas qu'ils raisonne[nt] mal d'un point qui ne peut guere estre bien decidé que par des gens de pratique, mais comme la plupart des gens de pratique n'ont qu'une certaine routine sans presque aucune s[c]iance ny ap[p]lication a la theorie, c'est ce qui fait que peu de gens de pratique s'attacheront a resoudre cette question, qui est cepandant si utile et si necessaire a leur metier et au bien du commerce. Je me suis fort appliqué autrefois a cette matiere que j'avois eu dessain de traiter, mais d'autres s[c]iance[s] et d'autre[s] af[f]aire[s] m'en ont detourné et j'ay gardé pour moy ce que mon ap[p]lication et la pratique m'avoi[en]t enseigné. J'ay ignoré jusqu'à aujourd'hui que l'Academie avoit proposé cette question, et ayant ete absant, je ne l'ai ap[p]ris que par la lecture des gazette[s], des Mercure[s], des Journeaux des savants et Memoire[s] de Trevoux de l'année 1749 que je ne repprend de suitte jusqu'à aujourd'huy, ainsi ne l'ayant scu qu'aujourd'huy, je n'ai eu garde d'ecrire aucun memoire sur la question proposée, mais ayant lû le Mercure de juin 1749, j'y ai veu avec surprise, que les memoire[s] sur cette question ne seroient point resu[s] passé le premier de septambre 1750 exclusivement, or je crois que c'est l'auteur du Mercure qui a ajoutté de son chef que les pieces ne seroient point rescue[s] au concour[s] passé le p[remie]r septambre 1750, car il ne faut pas sept mois a Messieurs de l'Accademie des s[c]iances qui ne s'assamblera qu'apres Pasques 1751 pour juger de la bonté de quelque[s] piece[s]. Je scai que cela peut etre examiné en particulier par plusieurs personne[s], mais il ne faut ni 6 ny 7 mois, d'ailleurs la Gazette de France qui l'a annoncé pareillement n'a pas fixé ce terme au p[remi]er de septambre 1750, ce qui me fait croire que ce peut etre une erreur du Mercure.
La presante, Monsieur, est donc pour vous prier de me mander si le temps est passé et si je puis me mettre a ecrire sur cette question, et comme il y a sans doutte une temps limitté pour remettre les memoires, je vous prie de me marquer combien il y a encore de temps, s'il y a encore un mois, car ayant autrefois travail[l]é sur cet article par goust, par refection et par pratique, il ne me faudroit pas beaucoup de temps pour rassembler tout cela et y mettre quelque ordre. Je conviens qu'il peut en avoir de plus habille[s] que moi dans le nombre mais je me crois aussi capable de juger cette question aus[s]i bien qu'aucun de ceux de l'Academie, veu que ce n'est qu'un point de pratique, et dans la speculation j'y ai peut estre plus travaillé qu'eux. S'il s'agis[s]oit d'un discours eloquent et fleuri, ou de quelque question astronomique ou de geometrie ou d'algebre, je leur cederois volontiers, mais sur un point de pratique de navigation, j'aurois de la peine a leur ac[c]order cette deferance a moins que ce seroit par complaisance quand la vie des hommes n'y seroit attaché. D'ailleur[s] dans la navigation, il ne faut que des chose[s] aisé[es], simple[s] qui n'emportte[nt] pas beaucoup de temps, car un equipage fatigué de la mer se rebutte facilement d'un long travail estant d'obervation. Les navigans sont encore pis que les constructeurs. On a veu M[onsieu]r Bouguer faire un excel[l]ant Traité de la construction des vesseaux [(Bouguer 46a)], mais qui devient inutile tant il est chargé d'algesbre. On fait un grand debit de son livre, plusieur[s] en on achetté sur la reputation et l'ayant trouvé chargé d'algesbre, son livre quoy qu'excel[l]ant sert a faire des [rolest[s] de 5 s[ols] et 10 s[ols] (Rosa Buxen, CP, 14 décembre 2012 (avec Rémi Peyre et Frédéric Petit, CP, 20 décembre 2012 ; Jean-Daniel Candaux, CP, 17 décembre 2012 ; Claude Gouanelle, CP, 4 décembre 2012))] dans les marché[s] tant on est degoutté. En donnant ainsi des livre[s] chargé[s] d'algesbre pretent on obliger les constructeur[s] a savoir l'algesbre pour savoir ce qua pancé M[onsieu]r Bouguer ? Si cela est, on se trompe. Un constructeur renonceroit plustost au metier ou demeur[er]a plustost dans son ignorance. M[onsieu]r Bouguer n'a donc pas ecrit pour les gens de pratique mais simplement pour les algebriste[s] et pour faire connoistre qu'il savoit l'algesbre. Quand on ecrit pour le public, il faut estre intel[l]igible et se conformer a leur usage quand il est bon pour luy mesme. L'algesbre n'est bon qu'au[x] mathematicien[s] qui ont de grand[s] calcul[s], mais dans des arts et metiers usuel[s] et ordinoires, cela rebutte plus de monde que cela n'instruit. On croit faire plaisir au[x] siances et engager le public a savoir l'algesbre ; l'on se trompe. Le public ne profite pas de ses ouvrage[s] là, qui demeur[ent] inutile[s] dans la societé civile : les navigans ont bien moins de temps qu'on ne panse, la fatigue de la mer emous[s]e l'esprit et empesche beaucoup les ref[l]ection[s] serieu[s]es, qu'on peut faire facilement a terre. On ne fait guere en mer que des memoires confus qu'on peut rediger a terre ou dans les ports lorsqu'on est tranquil[l]e. A quoy serviroit donc de long[s] calcul[s] a des gens qui n'ont pas le temps d'en faire ? Il leur faut donc des instrument[s] facile[s] mais juste pour leur observation[s] journaliere[s]. J'attand dans l'honneur de vostre reponce. J'ay celuy d'estre avec respec[t], Monsieur, vostre tres heumble et tres obeis[s]ant serviteur Brisart.
A Saint Malo 6 [septem]bre 1750
J'ai paié le port ; ou l'on le trouvera cy joint car l[a] poste veut qu'on mette l'argent dedans. Il y a souvent des dif[f]iculté[s], car autrefois l'on met[t]oit port paié des[s]us l'adresse et l'on paioit le port, aujourd'huy il[s] ne le veulle[nt] plus. Il ne faut pas croire que je blame M[onsieu]r Bouguer, je rends la justice qu'on doit a son ouvrage, mais je rap[p]orte simplement ce que je vois publiquement pour faire connoistre que son livre eut esté plus utile s'il n'etoit pas si rempli d'algesbre, car a moy, cela ne me fait rien, je ne suis pas constructeur. Les armes me sont plus convenables (AAS, Dossiers de prix, carton I (1729-1781), dossier 1749-1751).

Le 28 mai 1751 :
Le même [M[onsieu]r Le Monnier sous directeur] a presenté une piece accompagnée d'un billet cacheté et d'une lettre qui porte qu'elle avoit été envoyée avant le 1er septembre ; mais que le vaisseau qui la portoit avoit fait naufrage : il a été décidé que je la garderois, et qu'il en seroit fait mention dans le registre (PV 1751, p. 361).

Euler prend des nouvelles de la pièce 5 le 16 mars 1751 (cf. 16 mars 1751 (1)).

Le prix est gagné par Daniel Bernoulli avec (Bernoulli 69a), les pièces 5 et 7 obtenant un accessit, ainsi que cela est annoncé lors de l'assemblée publique du 21 avril 1751 (cf. 21 avril 1751 (1)).

Clairaut fait savoir à Euler que la pièce qui l'intéresse a obtenu un accessit et qu'elle sera publiée s'il le souhaite (cf. 28 avril 1751 (2)).

Euler répond que cette pièce n'est pas de lui (cf. 29 juin 1751 (1)).

Buffon connaissait Daniel Bernoulli pour l'auteur de la pièce et oublie que Clairaut était du jury (cf. 19 mai 1751 (1)).

Clairaut est encore juge pour le prix de 1753 (cf. 6 septembre 1752 (1)).
Abréviations
  • AAS : Archives de l'Académie des sciences, Paris.
  • CP : Communication personnelle.
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
  • Bernoulli (Daniel), « Sur la nature et la cause des courants », Recueil des pièces qui ont remporté les prix de l'Académie royale des sciences, depuis leur fondation, 9 vol., Paris, 1727-1777, vol. 7, Paris, 1769, pp. 1-108 [Télécharger] [21 avril 1751 (1)].
  • Bouguer (Pierre), Traité du navire, de sa construction et de ses mouvemens, Paris, 1746 [Télécharger] [Bouguer] [1 novembre 1737 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 5 septembre 1750 (1) : Les prix », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n5septembre1750po1pf.html [Notice publiée le 21 septembre 2010, mise à jour le 21 décembre 2012].