Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


29 juin 1751 (1) : Euler (Berlin) écrit à Clairaut :
Monsieur,

Quelque répugnance que j'aie sentie de reconnaître la justesse de votre calcul sur le mouvement de l'apogée de la Lune [C. 39], j'en suis maintenant d'autant plus sensiblement pénétré ; et plus je considère cette heureuse découverte, plus elle me paraît importante, et à mon avis c'est la plus grande découverte dans la théorie de l'astronomie, sans laquelle il serait absolument impossible de parvenir jamais à la connaissance des dérangements que les planètes se causent les unes les autres dans leur mouvement. Car il est bien certain que ce n'est que depuis cette découverte qu'on puisse regarder la loi d'attraction réciproquement proportionnelle au quarré des distances comme solidement établie, d'où dépend cependant toute la théorie de l'astronomie. Cependant je vois qu'une exacte détermination de toutes les inégalités de la Lune exige un calcul extrêmement ennuyant, et quoi qu'il m'ait coûté bien du temps, je ne saurais assurer que les inégalités que j'ai trouvées soient bien d'accord avec la théorie. Car d'un côté, je me pourrai bien être trompé dans le calcul numérique et d'un autre côté la détermination de plusieurs inégalités dépend tellement de quelques petits termes qu'on serait à portée de négliger qu'il me semble presque impossible d'en trouver exactement la valeur. Par exemple si la longitude de la Lune est posée [maths].

Je vous suis bien obligé, Monsieur, du détail de l'observation de A. 1744 le 6 janvier, qui donne la longitude de la Lune 6s 22° 24' 13'', au lieu que dans la copie de votre pièce elle était marquée 6s 22° 54' 13'' [cf. 28 avril 1751 (2)]. À présent elle est parfaitement bien d'accord avec les observations anglaises qui m'ont été communiquées.

Je viens maintenant d'expédier à Pétersbourg mon rapport sur les pièces pour le prix [cf. 5 juin 1751 (1)], il y en avait 5 en tout, dont la dernière est venue après le terme fixé d'abord. Mais c'est une pièce tellement abominable, qu'elle ne mérite aucune attention ; trois des autres n'ont pas même compris le sens de la question ainsi la vôtre serait toujours la meilleure, quand elle serait mille fois moins excellente qu'elle n'est actuellement.

La pièce Assiliunt fluctus etc. [cf. 5 septembre 1750 (1)], était d'un de mes amis, à qui j'avais seulement communiqué mon analyse sur le mouvement des rivières, qui ne touchait qu'indirectement le sujet dont il s'agissait ; ainsi je n'y ai aucune part. Pour le prix prochain [cf. 4 septembre 1751 (2)] vous trouverez une pièce écrite de ma main, mais j'espère que vous ne conclurez pas de cette seule circonstance que j'en suis l'auteur, vu que rien n'empêche que je ne puisse prêter ma main à quelques-uns de mes amis, surtout quand il serait embarrassé de trouver un autre copiste propre à copier distinctement des calculs. La devise de cette pièce est Nihil est enim, quod aut natura extremum inveniant, aut doctrina primum [(Euler 69b) qui gagnera le prix, cf. 12 avril 1752 (1)]. En cas que M. de Fouchy tarde d'en envoyer le récépissé, je vous prie de me marquer à son temps, si elle est arrivée ou non. Cette pièce contient à mon avis quelques tours pour rendre praticable le calcul qui seraient peut-être d'un grand secours dans la Lune. Mais il court ici une bruit que le prix de l'année prochaine est déjà assuré à M. Bernoulli, quoique je n'en croit rien, puisque je doute fort que M. Bernoulli ait la patience de s'engager dans tous les détails du calcul que cette recherche demande.

Je suis bien sensible à votre invitation de faire un tour à Paris, et je serais infiniment ravi de vous connaître personnellement. C'est le seul pays que je souhaiterais fort de voir encore pendant ma vie, ayant déjà oublié ma patrie même. Si j'étais heureux de gagner encore un prix, je ferais tout mon possible d'obtenir la permission de l'employer à un tel voyage.

J'ai l'honneur d'être avec les plus fortes assurances de toute la vénération possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur L. Euler.

Berlin, ce 29 juin 1751 (O IVA, 5, pp. 211-212).
Euler répond à la lettre de Clairaut du 28 avril (cf. 28 avril 1751 (2)).

Clairaut répond à Euler le 5 août (cf. 5 août 1751 (1)).
Abréviation
Références
  • Euler (Leonhard), « Recherches sur les irrégularités du mouvement de Jupiter et Saturne », Recueil des pièces qui ont remporté les prix de l'Académie royale des sciences, depuis leur fondation, 9 vol., Paris, 1727-1777, vol. 7, Paris, 1769, 2nde pag., pp. 1-84 [Télécharger] [4 septembre 1751 (2)] [Plus].
  • Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 29 juin 1751 (1) : Euler (Berlin) écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n29juin1751po1pf.html [Notice publiée le 29 octobre 2010].