Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


6 septembre 1737 (2) : Maupertuis (Paris) écrit à Celsius :
Vous aurez reçu, mon cher Monsieur, une lettre que je vous écrivais l'autre jour [cf. 5 août 1737 (1)], lorsque j'étais le jouet des vents et des flots. J'arrivai quelque temps après à Amsterdam, où nos Mess[ieu]rs qui venaient par terre n'arrivèrent que le lendemain ; ainsi nous repartîmes tous ensemble et sommes arrivés ensemble a Paris [cf. 20 août 1737 (1)] assez a temps pour rendre compte à l'Académie [cf. 28 août 1737 (1)] avant sa clôture [cf. 6 septembre 1737 (1)], de notre expédition. Nos ministres se trouvèrent à l'assemblée de l'Académie ou je rendis compte et tant eux que l'Académie parurent très satisfait, excepté cependant M. Cassini. Le lendemain de notre arrivée nous avions été présentés au Roi [cf. 21 août 1737 (2)], et avions eu tous les honneurs que peuvent attendre des gens qui viennent de loin et dont on est content. Je reviens à M. Cassini ; s'il a contenu un peu dans le commencement sa mauvaise humeur, il a sur la fin cessé d'en être le maître, et nous a fait des chicanes qui ont duré jusqu'à l'assemblée d'hier [avant-hier !, cf. 4 septembre 1737 (1)], dans laquelle enfin il se tut. La principale de ces chicanes roulait sur ce que n'avions pas retourné le secteur des deux côtés, pour nous assurer contre le dérangement qui pouvait lui arriver dans les voyages qu'il a faits. Après avoir raconté les précautions que nous avions prises pendant ces voyages, et l'inébranlabilité des cet instrument, j'en suis venu à la preuve décisive qu'on peut avoir en astronomie, qu'un instrument ne fut point dérangé, preuve qui consiste à retrouver les choses différentes fois de la même façon ; et je concluais qu'il était bien plus à craindre, que malgré le retournement, un instrument se fut dérangé, si l'on trouvait différents des arcs qui doivent être le même, quoi qu'on n'eût pas retourné l'instrument. Cette remarque et quelques autres déplurent à M. Cassini, et lui donnèrent un peu d'humeur, mais la Terre n'en sera pas moins ce qu'elle est.

J'ai parlé à M. le c[omte] de Maurepas au sujet du quart de cercle, et il vous fait présent de celui qui est à Stockholm ; je crois que vous lui devez sur cela un remerciement. Je vais écrire à M. le c[omte] de Castéja pour le prier de vous l'envoyer, mais s'il oubliait, vous pouvez le lui demander. J'ai vu ce matin M. Geadda, votre envoyé et votre ami qui repart dans peu pour Stockholm. Je vois souvent l'autre Geadda qui revient d'Alger. Je tâche avec tous les Suédois que je peux trouver de me dédommager de la perte que j'ai faite de votre compagnie, mais cela n'est pas facile. Il est certain que je me suis ensuédoisé, ou même embothnisé de telle façon, que je ne me trouve pas si bien avec les Français que je le pensais. Je pense quelquefois avec regret à la vie que nous avons menées à Torneå et même sur Kittis. Les pertes qu'on fait pour toute sa vie ont toujours quelque chose de triste, parce qu'elles ressemblent à la mort ; et j'ai quelquefois plaisir à penser que je retournerais peut-être en Suède quelque jour. Conservez pour moi votre amitié, et que j'aie le plus souvent que vous pourrez le plaisir de recevoir vos lettres. Je suis etc.

PS. Vous pourrez donner à M. le c[omte] de Castéja quelques livres que je vous ai demandé [cf. 5 août 1737 (1)], qu'il voudra bien m'apporter, ou envoyer ici avec les bagages (Nordenmark 36, pp. 78-79).
Référence
Courcelle (Olivier), « 6 septembre 1737 (2) : Maupertuis (Paris) écrit à Celsius », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n6septembre1737po2pf.html [Notice publiée le 10 mars 2009].