Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


[c. 7] avril 1759 (2) : ? écrit au chevalier du Fresne de Timard :
Lettre à M. le chevalier du Fresne de Timard, sur la comète de 1682.

Nota. Cette lettre ne m'est point venue après coup, et quoi qu'il ne soit plus temps de prédire, elle contient des détails assez intéressants pour mériter d'être publiée.

Non, Monsieur, les astronomes ne sont point encore au comble de leurs vœux ; la comète qui a été observée pendant deux mois et demi à Paris, et que l'on avait auparavant découverte en Saxe, malgré les soins et les inquiétudes que doit donner nécessairement dans ce pays le tumulte des armes, n'est point encore celle qui a été annoncée pour 1757 ou 1758 ; et l'ouvrage que M. Delisle a eu l'honneur de présenter à Sa Majesté [cf. 18 avril 1759 (1)] n'est pas non plus celui qu'il fait désirer au public depuis près de deux ans. La comète qui fait le sujet de cet ouvrage était si petite qu'on ne pouvait la découvrir qu'avec des télescopes assez longs […] M. Delisle a été le seul heureux […] Il a joui pendant plus de deux mois du plaisir d'observer seul un des phénomènes les plus curieux de l'astronomie, et il a attendu que le rideau fût tiré pour faire part de sa découverte à ses compatriotes, et pour publier ses observations. On ignore si cette comète a tenu la même route que quelques autres comètes connues ; il paraît même que l'on est dans la disposition de ne la point compte au rang des comètes dont l'apparition a été bien constatée ; on est seulement assuré que cette comète, si elle a réellement existé, n'est point celle qui a été annoncée pour 1757 ou 1758.

Ne croyez pas cependant que les astronomes désespèrent de revoir cette dernière […]. Le célèbre M. Clairaut a pris un autre ton [que celui du simple historien], après des calculs immenses, fondée sur la solution qu'il a donnée du problème des trois corps, calculs qu'il a appliqués aux trois précédentes apparitions de la comète, il a trouvé que cette comète passerait à son périhélie vers le mois d'avril 1759 ; ainsi on pourra l'observer pendant le mois de mai, elle paraîtra fort grosse et s'écartera peu de l'équateur.

Ces calculs de M. Clairaut ont été le sujet d'un mémoire [C. 48] lu à l'assemblée publique de l'Académie royale des sciences [cf. 15 novembre 1758 (1)]. Dans ce mémoire, M. Clairaut met quelques restrictions à son annonce. 1°. Il avoue qu'il n'a point encore calculé l'action de Vénus sur la comète dans sa dernière apparition, mais il croit que cette action a été peu considérable, et qu'elle ne peut avancer ou retarder son prochain retour que de peu de temps. En second lieu, il craint qu'il n'y ait des planètes que nous ne connaissons pas au-delà de l'orbite de Saturne, ou même quelques autres comètes qui en faisant leurs révolutions aient rencontré celle de 1682, et aient dérangé encore plus son cours que les planètes que nous connaissons ; il est vrai que si cela est arrivé, les calculs de M. Clairaut sont entièrement inutiles ; mais quoi que cela ait été absolument possible, cependant comme il y a beaucoup plus d'apparence que ces planètes que craint M. Clairaut au-delà de l'orbite de Saturne n'existent point, et comme il y a beaucoup plus de raisons pour assurer que la comète n'a point été rencontrée dans son cours par d'autres comètes, que pour assurer le contraire, si les calculs de M. Clairaut sont exacts, comme il n'en faut pas douter, nous avons tout lieu d'espérer de revoir la comète de 1682 au printemps prochain.

Malgré ce retardement de la comète, je ne crois cependant pas qu'on doive accuser de trop de précipitations les auteurs qui l'ont annoncée pour 1757 ou 1758 ; et je ne puis approuver M. Clairaut qui prétend que les derniers astronomes qui en ont parlé n'ont borné son apparition à l'année 1758 que par une impatience qui eût été bien puérile, même dans des gens qui n'auraient jamais été éclairés des lumières de la philosophie. […] Ainsi MM. Delisle et Jamard, ou plutôt les astronomes modernes, ne doivent point être taxés d'impatience à cet égard. En second lieu, il paraît que les connaissances qu'on avait avant le mémoire de M. Clairaut devaient porter à l'attendre au plus tard pour la fin de 1758. Car selon ce mémoire l'action de Saturne sur la comète est cause de ce grand retardement ; mais il était presque impossible de soupçonner que cette action eût été assez considérable pour causer un si grand changement dans sa révolution. M. Clairaut lui-même en a paru surpris, et on aurait peine à le croire, si les calculs ne l'avaient fait découvrir. […] On a donc eu quelque raison […] d'annoncer la comète pour la fin de 1758 au plus tard.

Puisque vous désirez avec tant d'empressement l'ouvrage que M. Delisle a promis au public sur cette comète, je ne manquerai pas de vous le faire tenir, si l'auteur peut enfin se décider à tenir sa parole (Mercure de France, avril 1759, 184-190).

Abréviation
Courcelle (Olivier), « [c. 7] avril 1759 (2) : ? écrit au chevalier du Fresne de Timard », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/ncoc7cfavril1759po2pf.html [Notice publiée le 2 juin 2011].