Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


15 janvier 1764 (2) : Clairaut (Paris) écrit à Boscovich :
Mon Révérend Père,

J'ai reçu vos deux dernières lettres [perdues] avec tout le plaisir que je ressens toujours de ce qui vient de vous, surtout celle que vous avez écrite en entier en français, et le petit billet de la même langue qui était dans l'autre m'ont plus satisfait que les autres, jusqu'à vos fautes de français m'ont plu parce qu'elles m'ont mieux rappelé le temps où nous vivions ensemble, temps que je regretterai toujours, ou du moins jusqu'à ce que je trouve quelque intervalle assez long pour vous aller trouver.

Au reste vos fautes de langage n'empêchent pas que vos lettres ne soient très intelligibles et c'est plus par l'orthographe que par tout autre endroit que vous pêchez. Lorsque vous m'enverrez donc l'extrait de votre Philosophie [(Boscovich 63), cf. [Novembre 1763]] (ouvrage dont je vous remercie de tout mon cœur) écrivez-le moi en français, il suffira de laisser un peu de marge pour que je puisse y faire les petits changements que je jugerai nécessaire avant d'en faire usage [au Journal des sçavans, cf. 19 novembre 1755 (1)]. Je vous prierai d'en user de même pour les mémoires que vous destinerez à l'impression dans le journal ou ailleurs. Vous m'éviterez par là la peine de traduire, ce que je n'aime guère, ou de faire traduire par d'autres, ce qui est sujet à quelques embarras, quand on s'adresse à des négligents ou à des personnes qui n'entendent pas assez bien la matière.

Votre dernier morceau m'a mis dans un cas encore plus fâcheux, c'est que celui à qui je l'avais confié pour le traduire afin de le faire imprimer, soit dans le recueil des Sçavans étrangers, ce qui serait un peu long, soit dans le Journal des sçavans, celui dis-je qui s'en était chargé me l'a égaré. Comme il m'a paru fort intéressant et plein de vues ingénieuses, je vous exhorte à m'en envoyer une autre copie, mais toute française ou boscovichienne si vous l'aimez mieux. Je vous recommanderai seulement que les figures soient le mieux faites qu'il vous sera possible, surtout pour les machines. Je n'ai pas pu comprendre, par exemple, celui de vos moyens de mesurer la sphéricité d'une lentille, qui dépendait d'une figure faite ainsi [figure]. Quant à l'autre lettre qui contenait un instrument que vous appelez vitromètre, votre figure est encore plus mal faite, et comme on ne saurait avoir trop de secours pour entendre une machine que l'on ne voit pas exécutée, il me faudra une autre édition un peu soignée de cette pièce, et en français si vous le voulez bien.

Je ne doute pas que vous réussissiez avec votre machine, à détruire totalement les couleurs par l'assemblage du verre et de l'eau. Car sans avoir eu rien de si précis que doit être l'instrument dont vous me parlez, j'ai très bien vu avec le prisme à charnière qu'un de mes confrères avait exécuté, que les couleurs subsistaient toujours quelque inclinaison que l'on donnât au prisme d'eau puisque ces couleurs se renversaient aussitôt que l'on avait atteint le point où elles étaient les moins fortes. L'assemblage d'un prisme courbe de flint-glass avec un prisme rectiligne de verre ordinaire m'a fourni la même fâcheuse vérité, mais ce me semble d'une manière moins marquée. Mais cet inconvénient n'empêche pas que les deux lentilles combinées ne fassent un admirable effet quand elles sont bien travaillées. M. Anthaume [Antheaulme] que vous pouvez connaître de nom pour avoir remporté un prix à l'Académie de Pétersbourg sur l'aimant [(Antheaulme 60a), (Antheaulme 60b)] vient de s'exercer à faire deux objectifs composés suivant les dimensions que je lui ai données, le 1er qui est de 7 pieds de foyer a été jugé équivalent à une lunette de 30 ou 40 pieds. Le second est de 9 pieds et paraît encore meilleur qu'à raison de sa plus grande longueur [cf. Antheaulme]. J'avais pensé comme vous à détruire l'aberration de l'objectif par celle de l'oculaire, mais l'obliquité des rayons auxquels il faut avoir égard, pour que la lunette ait quelque champ, empêche de se servir de cet expédient, ainsi que vous l'avez très bien remarqué. Quant aux oculaires composés de deux matières, j'ai tenté de m'en servir, mais je n'ai pas réussi. M. Anthaume, tout habile qu'il est, m'en a fait un de strass et de verre (j'ai choisi le strass comme donnant des courbures moindres) et il ne vaut pas mieux qu'un oculaire ordinaire. La difficulté de faire de très bonnes lentilles de 3 lignes, et de les bien centrer, empêche de profiter de l'avantage qu'on devrait tirer de la combinaison des verres. Au reste l'iris et l'aberration des oculaires ne sont jamais nuisibles comme celles [!] des objectifs.

Je demanderai à M. de la Lande [Lalande] les conjonctions de Vénus et vous les enverrai la première fois par le P. Ansclepi, dont je serais charmé que vous m'entreteniez comme vous le proposez.

M. Trudaine [Trudaine de Montigny], Mme du Boccage et tous nos amis communs vous font mille remerciements de votre bon souvenir, et vous disent mille choses. La calculatrice [Mlle Gouilly, cf. [c. juin] 1757 (2)] vous salue également. Pour moi, j'aurais de la peine à vous exprimer tous les sentiments d'estime et d'attachement et de respect avec lesquels je suis, Mon Révérend Père, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut.

Paris 15 janvier 1764.

À la 1re fois si vous le voulez bien, nous finirons nos lettres plus à le française, c'est-à-dire sans cérémonie (Taton 96).
Clairaut répond à deux lettres perdues de Boscovich.

Il lui avait déjà écrit en [Novembre 1763].

La réponse de Boscovich est perdue.

Boscovich évoque cette lettre à Conti (cf. 8 février 1764 (1)) et à Puccineli (cf. 8 février 1764 (2)).

Clairaut réécrit à Boscovich le 24 février (cf. 24 février 1764 (1)).
Références
  • Antheaulme (), Dissertation qui a remporté le prix en 1760, au jugement de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, sur les questions proposées pour l'année 1758, Saint-Pétersbourg, 1760 [Antheaulme] [15 décembre 1763 (2)] [Plus].
  • Antheaulme (), Mémoire sur les aimants artificiels, qui a remporté le prix de physique de l'Académie impériale des sciences de S. Pétersbourg, le 6 septembre 1760, Paris, 1760 [Télécharger] [Antheaulme] [15 décembre 1763 (2)] [Plus].
  • Boscovich (Roger-Joseph), Theoria philosophiae naturalis, Venetiis, 1763 [[Novembre 1763]] [Plus].
  • Taton (René), « Les relations entre R. J. Boscovich et Alexis-Claude Clairaut (1759-1764) », Revue d'histoire des sciences, 49 (1996) 415-458 [Télécharger] [17 décembre 1759 (1)] [14 janvier 1760 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 15 janvier 1764 (2) : Clairaut (Paris) écrit à Boscovich », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n15janvier1764po2pf.html [Notice publiée le 3 février 2012].