Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


15 janvier 1764 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Daniel Bernoulli :
Paris, 15 janv[ier] 1764

Ce n'est nullement par malice, mon cher ami, que je vous ai demandé quelques mots sur le commencement de la question des cordes vibrantes [cf. 27 décembre 1763 (1)]. Il y a tant de choses écrites sur cette matière, et j'ai une si grande impatience quand je veux me mettre à lire un auteur et que je trouve qu'il me renvoie à un autre ou à des choses qu'il a dites ailleurs, quand il faut le suivre pied à pied pendant un temps considérable, cela m'impatiente tant dis-je, qu'il m'a été impossible de rien lire de suite de tout ce qui a été fait sur les cordes, qui est véritablement très considérable. Vous m'avez donc fait un très grand plaisir à en me mettant au fait de la manière dont on entre en matière sur ce problème. Ce que vous m'en avez dit suffit pour me donner de l'intérêt à la chose et pour avoir un peu plus de patience lorsque j'aurai suffisamment de temps à y donner et que je voudrais lire quelques-uns des mémoires où la matière est discutée plus au long. Je crois que peu de choses de plus que ce que vous m'avez fait voir dans votre lettre m'aurait suffit, pour bien saisir le point de votre dispute avec ces Messieurs. Car il me semble que je vous entrevois. Mais vous êtes trop succinct tandis que ces Messieurs sont trop prolixes.

Quoiqu'il en soit vous avez une trop bonne opinion de ce que j'ai vu sur l'équation [maths]. Je ne l'ai examinée qu'avec la transformée [maths] que vous connaissiez avant moi, cette transformée réduit votre équation, ou si vous voulez celle-ci [maths], qui est la même, à [maths], qui est l'équation de Riccati lorsque X est une puissance de x. Vous êtes, je crois, le premier qui ayez construit cette équation dans une infinité de cas et par une méthode très ingénieuse. M. Euler est parvenu à la construire mécaniquement (en général, si je ne me trompe) par le moyen d'un mouvement de tractoire. Mais j'ai peur que toutes ces constructions et séparations ne remplissent nullement votre objet, et que je ne vous dise là que ce que tout le monde sait. Et il est bien difficile que je pusse faire autrement sur une matière où je suis tout neuf. Ainsi ne prenez ce que [je] viens de vous dire que pour ce qu'il vaut. Quant à votre ami de Mulhausen, je ne serais pas étonné, malgré ce que vous en pensez qu'il ne réussît pas, parce qu'il faut être très exercé dans l'art de travailler les verres pour réussir à la construction des nouveaux objectifs. Georges, qui est le meilleur des artistes de profession que nous ayons [cf. George], a manqué l'objectif à trois lentilles, et a eu bien du mal à réussir à ceux qui n'en contiennent que deux, encore je ne vois pas qu'il en ait fait aucune qui soit aussi bonne que celles de M. de L'Estang [de Létang, cf. Létang]. Pour M. Antheaune [Antheaulme], dont je dois déjà vous avoir parlé, il vient de faire un objectif de 9 pieds qu'il prétend valoir ceux de 80 pieds à simple lentille. Il n'est pas encore assez éprouvé pour que je croie entièrement à cette assertion, mais son objectif de 7 pieds a été approuvé de tous les astronomes et estimé égal à une lunette de 30 ou 40 pieds [cf. Antheaulme].

Vous me demandez, mon cher ami, s'il faut répéter les expériences prismatiques pour reconnaître si les matières réfringentes que l'on emploie ont les qualités qui ont été mesurées par M. Dollond et par moi. Je crois que cela est inutile car je n'ai pas vu aucune différence sensible dans les différents morceaux de cristal d'Angleterre et de verre ordinaire. La seule attention que je recommanderais pour bien s'assurer du cristal d'Angleterre que l'on emploie, c'est le poids. Or celui du cristal est d'environ 2 1/4 par rapport à l'eau.

Quant aux dimensions de deux lentilles la plus simple est celle d'un ménisque de cristal dont la surface est 5 fois plus courtes que l'autre avec une lentille de verre convexe des deux côtés dont les surfaces sont de même rayon que celles du ménisque. M. de L'Estang [de Létang] a fait une lunette de 5 pieds excellente dans cette proportion. Il y en a une autre qui est un peu meilleure par la théorie, mais la difficulté d'y atte[i]ndre dans la pratique ne peut-être rachetée par ce petit avantage, d'autant qu'il me paraît que l'aberration qui vient de l'imperfection des artistes les plus habiles est bien supérieure à l'aberration de sphéricité quand cette aberration ne surpasse pas de beaucoup celle d'une lentille simple isocèle. Mon papier et la poste me forcent dans [d'en] rester là. Adieu donc, mon très cher ami, ma petite compagne [Mlle Gouilly, cf. [c. juin] 1757 (2)] vous fait mille amitiés.

J'ai donné votre note à M. de Mairan. Je crois qu'il vous manque bien peu de choses si ce n'est le vol. de 1758 et la Connaissance des temps de 1765.

[Adresse] À Monsieur / Monsieur Daniel Bernoulli des / académies des sciences de France, d'Angleterre / de Prusse etc. / À Bâle (Boncompagni 94b).
Clairaut répond à une lettre perdue de Daniel Bernoulli.

Il lui avait déjà écrit le 27 décembre 1763 (cf. 27 décembre 1763 (1)).

La réponse de Daniel Bernoulli est perdue.

Cette lettre du 15 janvier est la dernière pièce connue de la correspondance entre les deux hommes.
Référence
  • Boncompagni (prince Baldassarre de), « Lettere di Alessio Claudio Clairaut », Atti dell'Accademia Pontifica dei Nuovi Lincei, 45 (1894) 233-291 [12 août 1732 (1)] [1 octobre 1732 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 15 janvier 1764 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Daniel Bernoulli », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n15janvier1764po1pf.html [Notice publiée le 4 février 2012].