Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


[c. juin] 1757 (2) : Marie-Anne Gouilly.
Marie-Anne Gouilly (Charleville, 21 août 1729 – Paris, 7 avril 1815), ou plus simplement Mlle Gouilly, est l' « enfant » de Clairaut, le « meilleur de ses meubles » (cf. 4 août [1759]), son « compagnon d'étude » (cf. 16 mai [1760]), sa « calculatrice » (cf. 10 janvier 1761 (1), 8 mai 1763 (1), 15 janvier 1764 (2)), sa « compagne » (cf. 1 juin 1761 (1), 28 août 1761 (1), 1 janvier 1762 (1), 20 [avril] 1762, 24 avril [1763], 28 juillet 1763 (1), 13 octobre 1763 (1), 15 janvier 1764 (1)), son « amie » (cf. 4 août 1762 (1)), sa « disciple » (cf. 17 [novembre] 1762), son « écolière » (cf. 23 février 1763 (2)), « sa logarithmière » (cf. 27 août 1763 (1)), sa « petite amie » (cf. 27 décembre 1763 (1)).

Elle est qualifiée de « gouvernante » par La Condamine (cf. 31 jui[llet] 1760, 21 septembre 1760 (1)) ou la Correspondance littéraire (cf. 1 juin 1765 (1)), de « cousine » par Jean II Bernoulli (cf. 21 septembre 1760 (1)) ou de « sœur » par le comte Joseph Teleki (cf. 9 novembre 1760 (1), 17 décembre 1760 (1), 6 janvier 1761 (1), 2 mars 1761 (1) et 12 mars 1761 (1)).

Elle est nommée Mlle « Goulié » (cf. [8 mars 1761]), « Gouillé » (cf. 7 décembre 1761 (1)), « Goulier » (cf. 20 avril 1762 (1)) ou « Gouly » (cf. 12 décembre 1763 (1)) par Clairaut, encore « Goulier » par le comte Joseph Teleki (cf. 2 mars 1761 (1)) et Mme Lepaute (cf. 16 janvier 1762 (2)), « Gouillé » par Ferner (cf. 2 mars 1761 (2), 27 avril 1761 (1), 10 mai 1761 (1), 12 mai 1761 (1), 16 mai 1761 (1), 31 mai 1761 (1), 6 août 1761 (1)), « Gouilli » par Bachaumont (cf. plus bas), voire « d'Ogier » dans la transcription d'une lettre de d'Alessandro Verri (cf. 18-21 novembre [1766]).

C'est très probablement elle que Ferner nomme Mlle Clairaut (cf. 25 octobre 1760 (1), 15 février 1761 (1)), Mademoiselle (cf. 17 décembre 1760 (2), 8 janvier 1761 (1), 17 février 1761 (2), 23 février 1761 (2), 13 mars 1761 (1), 30 mars 1761 (1), 1 avril 1761 (3), 6 avril 1761 (1)), puis de plus en plus régulièrement Gouillé (cf. 2 mars 1761 (2), 27 avril 1761 (1), 10 mai 1761 (1), 12 mai 1761 (1), 16 mai 1761 (1), 31 mai 1761 (1), 6 août 1761 (1))

Son acte de baptême :
L'an de grace mil sept cent vingt neuf le vingt et un aoust, je, Estienne Luzoire, pretre vicaire de Charleville soussigné, aÿ baptizé la fille de Didier Gouilly et de Ydelette Chemilre les pere et mere marié[s] ensemble a la quelle on a imposé le nom de Marie Anne et par[r]ain Mr Jean Estienne Gras, lieutenant de cavalerie et la mar[r]aine M[a]d[emoise]lle Viot son epouse tous de cette paroisse. [Signé] D. Gouilly, Gras, Marianne Viot, Luzoir[e] (AD Ardennes, GG 24).

Elle a un frère soldat, chevalier de l'ordre de Saint-Louis, si Mlle Gouilly est cette « Madame Clairaut » qu'évoque le comte Joseph Teleki le 2 février 1761 (cf. 2 février 1761 (1)).

Elle a un oncle à qui Bossut rend service (cf. [8 mars 1761]).

Elle a travaillé chez une marchande de mode avant de connaître Clairaut (cf. 21 septembre 1760 (1), 16 janvier 1762 (2)).

Clairaut enseigne à Mlle Gouilly « assez de calcul » ou « assez de géométrie » pour qu'elle puisse l'aider dans ses calculs (cf. Morellet plus bas, 1 juin 1765 (1)), « un peu de mathématiques » (cf. 18-21 novembre [1766]).

Mlle Gouilly fait partie de la petite équipe comprenant Lalande, Mme Lepaute et Dionis du Séjour qui assiste Clairaut lors des calculs du retour de la comète (cf. [c. juin] 1757 (1), Janvier 1760 (1)).

Elle aide Clairaut sur la seconde édition des tables de la Lune [C. 412] (cf. 1 janvier 1762 (1)), faisant ainsi partie des « coopérateurs subalternes » dont parle d'Alembert (cf. 18 janvier 1762 (1)), même si Clairaut la met à part (cf. [c. juin] 1762 (1)).

Mme Lepaute prétend qu'elle sait à peine faire des additions, qu'elle ignore la règle de trois et qu'elle se fait écrire un mémoire pour entrer à l'Académie de Béziers (cf. 16 janvier 1762 (2)), Lalande qu'elle a des « prétentions sans aucune espèce de connaissance » (cf. [c. juin] 1757 (1)).

Gaulard est son médecin (cf. 31 jui[llet] 1760).

Mlle Gouilly va à la Comédie française avec Ferner et la femme de Bézout (cf. 15 février 1761 (1)).

Elle et Clairaut vont rendre visite au comte Joseph Teleki (cf. 6 janvier 1761 (1)), se font conduire où dîner par Ferner (cf. 8 janvier 1761 (1)), boivent du thé avec les deux (cf. 17 février 1761 (2)), vont avec Ferner voir les marionnettes italiennes à la foire Saint-Germain (cf. 23 février 1761 (2)), retournent à Saint-Germain avec les deux (cf. 2 mars 1761 (1), 2 mars 1761 (2)), accueillent de nouveau Teleki (cf. 12 mars 1761 (1)), retournent voir Ferner (cf. 13 mars 1761 (1)), l'accompagnent chez le notaire (cf. 30 mars 1761 (1)), vont avec lui et quelques autres chez l'apothicaire Baumé d'où ils voient le convoi funéraire du duc de Boulogne (cf. 1 avril 1761 (3)), vont dîner avec lui à Fourqueux (cf. 6 avril 1761 (1)), l'accompagnent à la comédie italienne (cf. 27 avril 1761 (1)), à Versailles voir la procession des cordons-bleu (cf. 10 mai 1761 (1)), retournent avec lui à la comédie italienne (cf. 12 mai 1761 (1)), lui font visiter la manufacture de porcelaine de Sèvres (cf. 16 mai 1761 (1)), l'accompagnent chez les Le Roy (cf. 31 mai 1761 (1)) et reçoivent ses adieux (cf. 6 août 1761 (1)).

C'est une « belle femme », une femme qui possède un genre de beauté propre à se faire découvrir le Roi (cf. 2 mars 1761 (1)), une femme « fort jolie » (cf. 1 juin 1765 (1)), une femme « aussi remarquable par sa beauté que par son esprit » s'il s'agit bien de la « maîtresse » de Dionis du Séjour à la quelle Matagrin fait allusion (cf. plus bas).

Elle teste l'effet de son charme sur le comte Joseph Teleki (cf. 17 décembre 1760 (2), 12 mars 1761 (1)) ou sur le P. Frisi (cf. 18-21 novembre [1766]).

Selon Bachaumont, elle fut aussi maîtresse de Trudaine de Montigny et Dionis du Séjour, cruelle avec tout le monde et responsable de la mort de plusieurs hommes (cf. plus bas).

Selon Morellet, elle a tenté de se suicider pour un Leblanc avec de se marier avec un autre la même année (cf. plus bas).

Selon la Correspondance littéraire ou Bachaumont, c'est plutôt le premier Leblanc, un militaire, qui s'est suicidé (cf. plus bas).

Elle se marie en tout cas avec Antoine Blanc, dit Leblanc de Guillet (cf. plus bas).

Son contrat de mariage est daté du 12 février 1767 (AN, mc, XLIX, 754) (Hanley 16) .

À sa mort, le père de Dionis du Séjour laisse au couple vingt mille livres et la jouissance d'un logement (cf. plus bas).

Elle survit à son mari et meurt le 7 avril 1815 au 24 quai de Béthune à Paris (cf. plus bas).

Morellet :
M. de Montigny [Trudaine de Montigny, cf. 1761 (1)] m'avait aussi fait connaître Clairaut, chez qui nous dînions quelquefois avec une demoiselle G... qui demeurait chez lui, parce que, en homme laborieux et appliqué, il voulait avoir sous la main les choses dont il avait besoin. C'était une assez bonne fille qui a tenté depuis de s'empoisonner pour l'amour d'un M. Leblanc, parce qu'il n'avait pas voulu l'épouser après lui en avoir fait la promesse ; mais pour se dépiquer, elle a épousé dans l'année un autre M. Leblanc, auteur tragique. Elle aimait alors Clairaut, qui lui avait enseigné assez de calcul pour qu'elle pût l'aider dans ses calculs astronomiques (Morellet 88, p. 124).

Une autre version est donnée dans la Correspondance littéraire, le 25 mars 1772 :
On dit encore que M. Le Blanc a épousé la gouvernante de feu M. Clairaut, géomètre, fille de mérite, et qu'un autre Leblanc, militaire, étant tombé amoureux d'elle et voyant la préférence qu'elle donnait à son rival, alla chez elle se brûler la cervelle d'un coup de pistolet. Ce fait est certain et arriva peu de temps après la mort de Clairaut [Cette gouvernante, dont Grimm a déjà parlé tome VI, page 288, s'appelait Mlle Gouilly ; les Mémoires secrets (19 avril 1767) annoncent son mariage et l'épisode romanesque qui l'avait précédé. Celui-ci avait échappé à M. Cl. Perroud, professeur d'histoire, auteur d'une intéressante Notice biographique sur Le Blanc de Guillet (Le Puy, typ. Marchessou. 1864. in-8° ou [(Perroud 62)]), rédigée sur des documents inédits légués au grand séminaire du Puy par un ingénieur, M. Gouilly, neveu de Le Blanc NDE]. Je voudrais que cette catastrophe tragique eût appris le secret des tragédies à l'heureux Le Blanc, que je tiens d'ailleurs pour bon mari, bon ami. bon citoyen, et certes aussi meilleur écrivain que l'académicien de Belloy (Grimm 77-82, vol. 9, pp. 470-471).

Bachaumont et al. en 1767 :
Un officier fort épris d'une femme, et au moment de l'épouser, s'étant aperçu qu'elle différait de lui donner la main sur les notions qu'on lui avait fait parvenir de son caractère violent, de désespoir s'est brûlé la cervelle avant-hier dans l'antichambre de sa maîtresse. Elle se nomme Mlle Gouilli. Elle a été successivement la maîtresse des Messieurs Trudaine [de Montigny NDM], Clairault, Duséjour [Dionis du Séjour] et autres académiciens et savants (Bachaumont 77-89, vol. 18, 24 février 1767 ; Bachaumont 09-, vol. 2, p. 707).

Bachaumont et al. en 1767 (2) :
M. Le Blanc, auteur de Manco Capac, vient d'épouser, il y a quelque temps, une demoiselle Gouilli. Cette fille, célèbre par la mort d'un officier qui s'est brûlé la cervelle de désespoir de ne pouvoir se marier avec elle, était la maîtresse de M. Clairaut, et avait vécu avec lui jusqu'à sa mort (Bachaumont 77-89, vol. 3, 19 avril [1767] ; Bachaumont 09-, vol. 2, p. 729).

Bachaumont et al. en 1772 :
La tragédie [Les druides de Le Blanc] qu'on doit donner aujourd'hui [7 mars 1772] roulant principalement sur les abus de la religion, dégénérée en superstition et en fanatisme, le censeur de la police n'a pas osé prendre sur lui d'approuver une pièce pleine de détails délicats et dangereux. Elle a été renvoyée à un docteur de Sorbonne, et c'est l'abbé Bergier, cet adversaire intrépide des athées et des déistes, qui s'est trouvé obligé de l'examiner et de déclarer qu'il n'y voyait rien de répréhensible. On a eu beaucoup de peine à lui faire agréer l'ouvrage, et M. de Trudaine [de Montigny] a dû employer tout son crédit en faveur de l'auteur, dont il protège beaucoup la femme. [Suit une critique impitoyable de la pièce] (Bachaumont 77-89, vol. 6, 7 mars 1772).

Bachaumont et al. en 1775 :
Hier, Albert premier [de Le Blanc, assez mal accueilli ; mais l'auteur, accoutumé aux premiers dégoûts du public, n'en est point effrayé,] a paru reprendre quelque vigueur, au moyen du secours de M. Trudaine [de Montigny], qui a envoyé tous les Ponts-et-Chaussées pour le soutenir. Pour entendre ce quolibet, il faut savoir que cet intendant des finances a eu anciennement madame Le Blanc, la femme du poète, pour maîtresse ; qu'il conserve encore une tendre affection pour elle, et qu'ayant le département des Pont-et-Chaussées, il a fait distribuer une multitude de billets aux jeunes gens de cette école, avec des instructions sur la manière d'applaudir et de demander l'auteur à la fin (Bachaumont 77-89, vol. 7, 7 février 1775).

Bachaumont et al. en 1779 :
Le colonel de Saint Leu [qui s'est brûlé la cervelle en pleine rue] était fort lié avec une Mad[ame] Le Blanc, femme de l'auteur de ce nom, poète de la secte des économistes. Cette Mad[ame] Le Blanc est déjà renommée pour plusieurs hommes qui, amoureux, se sont brûlés la cervelle pour se soustraire à ses rigueurs ; on veut avoir découvert que le colonel soit une victime de cette virtuose, qu'on sait cependant n'être rien moins que cruelle avec tout le monde (Bachaumont 77-89, vol. 13, 15 mars 1779).

Bachaumont et al., quelques jours avant :
M. de Maurice de Saint-Leu, colonel au service de Pologne, un des grands enthousiastes de la secte des économistes, auteur de plusieurs écrits sur cette matière, qui avait secondé l'abbé Baudeau dans la régénération des Éphémérides, qui s'était attiré une querelle avec les compagnies des vivres pour les avoir injuriées dans un mémoire, s'est brulé la cervelle ces jours derniers sur les boulevards neufs. Il y avait à sa boutonnière une lettre adressée à M. Le Noir, où il se désignait, ainsi que le genre de sa mort, dont il déchargeait tout autre, et y ajoutait qu'au surplus il était fort ami du marquis de Mirabeau, qui donnerait les renseignements qu'on désirerait. La marquis de Mirabeau, étourdi d'un tel événement, a déclaré n'en pas savoir davantage. On n'a pu, ni par les amis de M. de Saint-Leu, ni par ses papiers, découvrir la cause de ce suicide (Bachaumont 77-89, vol 13, 9 mars [1779]).

Bachaumont et al., encore avant :
Les deux compagnies des vivres du Nord et du Midi se disposaient effectivement à attaquer l'abbé Baudeau et son acolyte M. de Saint Leu, comme les ayant diffamées respectivement dans leurs écrits ; ils avaient même fait imprimer un mémoire à consulter dans le goût de celui de la Caisse de Poissy ; il était suivi d'une consultation du 19 juillet signée de Courtin, leur avocat, et de plusieurs autres célèbres jurisconsultes. Assignation donnée en conséquence à chacun de ces deux Messieurs, mais l'exil infligé à l'un d'eux a arrêté la procédure, et l'on regarde cette tournure du ministère comme un moyen pris pour empêcher les suites d'une plaidoirie dont les tribunaux allaient retentir et qui n'aurait pu que révéler au grand jour beaucoup de turpitudes dans lesquelles le gouvernement aurait été compromis. Il y a apparence que c'est par le même égard pour les volontés de la cour que le mémoire en question, quoique imprimé, n'a pas été fort répandu et est resté entre les mains des intéressés (Bachaumont 77-89, vol. 9, 29 septembre 1776).

Le 20 mars [177[9]], Turgot écrit à Du Pont de Nemours :
Je ne sais, mon cher Du Pont, pourquoi je ne vous ai point parlé de cette fin tragique du colonel de Saint-Leu. C'était un assez pauvre homme à tous égards, mais il n'était point mal dans ses affaires. Il n'a eu d'autre motif, à ce qu'on dit, qu'une mélancolie profonde qui le rongeait. Vous m'apprenez qu'il était poltron. Il est bien étrange qu'un poltron finisse de cette manière (Turgot 13-23, vol. 5, p. 548).

Le 19 mai 1779, le comte de Tressan (Franconville) écrit à [Delisle de Sales] :
Je frémis encore en pensant a la fin funeste de notre pauvre ami le colonel Saint-Maurice ; M. de S... qui dinait souvent avec lui chez le baron d H... m a dit que ses affaires etaient très bonnes, qu'il était fort a son aise, et que ses amis ne lui ont connu de raison pour vouloir finir que le spleen le plus invétéré. J ai oublié quel est celui qui m'a proposé huit jours avant sa mort de l'aller voir, comme étant un de ceux qui pouvait avoir du crédit sur son âme et sur son esprit. Celui qui me parla me dit qu'il frémissait de la mélancolie mortelle ou cet infortuné était plongé, comme s'il semblait prévoir quelle ferait sa fin. Je ne le crus qu'incommodé, je remis à y aller un autre jour, et je m'en repens vivement. Vous avez donc ignoré son état ; hélas ! il fallait 1'amener respirer l'air de notre vallée, il fallait dérouiller ce sang épais, cette bile noire qui ne permettait plus à ses nerfs de tressaillir que douloureusement. Sa mort m a jeté bien du noir dans l'âme (Delisle de Sales 89, p. cx-cxi).

Saint-Maurice de Saint-Leu selon Mme Necker qui écrit à M. Thomas en 1777 :
J'ai vu l'autre jour le colonel de Saint-Leu, un philinte de bonne foi, qui ne découvre dans les hommes que le miel dont il s'est enduit ; il s'écriait : cette pauvre Mme Geoffrin, elle est tout amour ; elle m'a arraché des larmes par un mot sublime : voyez, me disait-elle, en soulevant ses bras appesantis, dites au roi de Pologne que les derniers caractères que cette main a tracés, ont été pour lui, et que si j'en retrouve l'usage, mes premiers efforts lui seront encore consacrés (Necker 98, vol. 3, pp. 177-178).

Matagrin :
Homme de science et homme du monde, [Achille-Pierre Dionis du Séjour] ne dédaignait pas, comme célibataire, la société des femmes ; la légende dit même qu'il avait près de lui, à Paris et à Argeville, une maitresse charmante, aussi remarquable par sa beauté que par son esprit. De cette maîtresse charmante, l'unique souvenir qui reste, est un délicieux porte-cartes, retrouvé à Argeville, et pieusement conservé par les propriétaires du château (Matagrin 91, p. 127).

Dans le « Testament du s[ieu]r Dionis le 24 fructidor an 2 » :
Je donne et lègue au citoyen Antoine Blanc et Marie Anne Gouilly mes anciens amis conjointement la somme de vingt mille livres en une fois, et dans le cas où l'un des deux viendrait a mourir avant moi le survivant aura droit a la totalité de ladite somme.
Je veux et entends que les citoyens et cit[oyen]ne Blanc continuent à jouir pendant leur vie et celle du survivant d'eux a titre de locataire de la maison qui m'appartient dans l'Isle de la Fraternité sur le quai appelé ci-devant [de la Liberté] et qu'ils acceptent en vertu du bail que je leur ai fait, quoique ce bail expire en mil sept cent quatre ving dix neuf (AP, DQ10, 1655, dossier 124).

Le Blanc et sa femme selon Perroud :
Le Blanc avait laissé ses papiers, manuscrits de tragédie, correspondance, etc. à un de ses neveux, M. Gouilly, qui mourut au Puy, il y a quelques années, ingénieur des ponts et chaussées, et légua le tout au grand séminaire [du Puy dans laquelle l'auteur les a découvert en 1862] [Vincent-Charles-Auguste Gouilly (20 juin 1779, Charleville – 1843), ingénieur aux ponts et chaussées, démissionnaire par ordonnance du Roi [!] en 1830 (pour avoir prêté serment « avec restriction ») puis réintégré en 1834 sur intervention de son épouse Zénobie de Saint-Pol. En poste sur le canal de l'Ourcq (1809-1813), au Puy en Haute-Loire (1813-1830), à Mende en Lozère (1834), placé dans la réserve avec demi-traitement (1835-1836) et retraité à partir de 1837 (AN, F14 2237/1) NDM].
[…]
Il se maria au commencement de 1767 et reçut à cette occasion la lettre suivante (inédite) de M. de Malesherbes :
Ce 16 mars 1767
Je viens d'apprendre votre mariage, Monsieur, par la lettre que M. Dionis du Séjour m'a remise de votre part. Permettez-moi de vous en faire mon compliment. J'en dois aussi un à Madame Blanc de Guillet d'avoir contacté une pareille union avec un homme de votre mérite. Voulez-vous bien vous charger d'être auprès d'elle l'interprète de mes sentiments, et de ne point douter de ceux avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. De Lamoignon de Malesherbes. M. Blanc de Guillet, à Cormeil en Parisis.
[…]
Le Blanc […] reçut [de l'illustre Trudaine [de Montigny NDM]], le 5 novembre 1773, la lettre suivante (inédite et autographe) :
À Montigny, ce 5 novembre 1773 […] Je vous prie de faire mille compliments pour moi à madame Le Blanc, et de lui dire toute l'amitié que j'ai pour elle.
[…]
[Le Blanc] reçut [de Malesherbes] le remerciement suivant (inédit) : 22 juin 1783 […] Je vous prie […] de présenter mes respects à Madame Le Blanc.
[…]
[Il] reçut [de Malesherbes] la lettre suivante […] À Paris, 22 [octobre] 1784 […] Je vous prie de présenter mes respects à Madame Le Blanc. Monsieur Le Blanc, rue Sainte-Avoye.
[…]
[Il] reçut […] À Monsieur Le Blanc, au Carrières. […] Bailly [PS] Trouve bon que je présente mes respects à Madame Le Blanc À Chaillot, ce 5 août 1786.
[…]
Le 20 février 1789, Le Blanc reçut de Madame de Polier la lettre suivante [de Lausanne] […] Veuillez, Monsieur, assurer Madame Le Blanc de tous les sentiments qu'elle m'a inspiré.
[Le Blanc reçoit du courrier adressé rue Pavée Saint-André-des-Arts à une date indéterminée, Cormeil-en-Parisis en 1767, rue des Grands Augustins, Maison de M. le président Sulpice en 1775, quai des Balcons, vis-à-vis le pont de Tournelle en 17[8]2, ou quai Dauphin, en face du pont de la Tournelle, îl Saint-Louis en 1782, en 1787 et en 1789, rue Sainte-Avoye en 1784, chez M. Dionis du Séjour aux Carrières [sous Charenton] ou chez M. Dionis, rue Sainte-Avoye en 1786 et 1788] (Perroud 62).

Antoine Blanc et sa femme selon Mahérault :
[Antoine Blanc, dit Leblanc de Guillet] avait cessé dé vivre, sans qu'aucun portrait retraçât sa figure. Absorbée pendant six mois dans son désespoir, sa veuve se réveille comme d'un long assoupissement. – Rends-moi l'objet de mes regrets, dit-elle à l'artiste distingué [le citoyen Goy père NDA], dans l'atelier duquel sa douleur l'a conduite. Tu l'as à peine entrevu, il y a deux ans : n'importe. Prête-moi ta main et ton art ; je te prêterai mon cœur et mes yeux. – Aussitôt l'argile obéit ; elle se développe ; elle respire ; c'est Leblanc que les yeux attendris de l'amitié reconnaissent à travers les pleurs qui les offusquent ; c'est Leblanc, que sa veuve éperdue embrasse et presse contre son cœur.
[…]
Ce qui paraissait retenir encore l'âme de Leblanc, près de fuir, c'étaient les soins touchants de son épouse, qu'il appelait « la mère aux inquiétudes ». – Je n'ai plus assez de forces, disait-il à ses amis, pour vous peindre tout le courage de cette femme ; ses dépenses pour moi épuiseront ses ressources, sans me sauver [La surveille de sa mort, Leblanc, contre son ordinaire, refusa, avec beaucoup d'humeur, tout ce que son épouse lui présenta. Voyant qu'il faisait couler ses larmes, il la rappelle, lui demande pardon : « si tu pouvais connaître, lui-dit-il, ce qui m'engage à cette dureté apparente, va, tu serais loin de m'en vouloir. Allons, je ne t'affligerai plus NDA]. En effet le zèle et la sensibilité ne peuvent commander à la nature. Notre collègue touche à ses derniers moments. Il saisit un prétexte pour éloigner un instant cette garde si attentive. Promettez-moi, dit-il, avec autant de courage que d'attendrissement, à ceux qui l'entourent, promettez-moi de ne pas abandonner cette infortunée, et d'aller pour elle à la Municipalité. Quelques heures après il expira (le 14 Messidor, an 7).
[…]
Leblanc avait eu la douleur de survivre à des amis célèbres, aux Truden [Trudaine], aux Dionis du Séjour, aux Malesherbes : il a eu la gloire d'être pleuré par d'autres amis non moins célèbres. Un magistrat savant [Le citoyen Cousin, membre de l'Institut, et alors Président du Conseil des anciens NDA], en le saluant du dernier adieu [(Cousin 99)], a fait entendre sur sa fosse une voix connue à la tribune et dans nos lycées ; un poète républicain a couvert son urne de ces fleurs légères, dont il avait jadis couronné l'urne de Dorat et Fontenelle [Le citoyen Cubières, membre de plusieurs sociétés littéraire NDA]. La société libre des sciences et arts a partagé et applaudi la douleur de la veuve, qui s'est exhalée dans une lettre empreinte de larmes, et d'un juste orgueil pour la gloire de son époux.
Ô digne compagne d'un homme vertueux ! toi qui ne connaissais pas de plus beau titre que son nom ! toi qui fis pendant trente années son bonheur, et n'as vu s'évanouir le tien qu'en le perdant ! toi qui, dans l'illusion d'une âme tendre, ne pouvant te persuader que l'objet de tes chastes affections eût cessé de vivre, quarante-huit heures après sa mort, lui prodiguais des soins, appelais les secours de l'art, et voulais disputer à la tombe un corps glacé, qu'il fallut arracher de tes bras ; je ne te dirai point : renonce à ta douleur ; non, elle est ton existence. Mais entends ce concert de regrets et d'éloges, qui se mêle à tes gémissements. Rassemble toutes tes forces pour recueillir l'âme de celui qui te fut cher, et fixer sa mémoire, comme tu as déjà fixé ses traits. Au défaut de sa personne, embrasse au moins cette double image qui seule peut tromper ton désespoir. C'est lui-même qui t'en conjure du sein de ce monde meilleur, où sa tendresse t'a précédée ; c'est lui, qui, blâmant ce défaut de courage, dont il ne t'a pas donné l'exemple, t'adresse ces vœux, qu'il forme, dans sa Henriade, pour une veuve également inconsolable :
… Puisse bientôt de ce cœur déchiré,
Aux plus profonds ennuis si justement livré,
Et le ciel, et le temps étouffer le murmure !
Puisse leur charme heureux en fermer la blessure ;
Ou n'y laisser du moins que ce doux souvenir
Dont une âme sensible aime à s'entretenir !
[…]
Leblanc s'était fait de son cabinet un asile que son épouse osait à peine violer.
[…]
Enfin, cette touchante cérémonie [autour du buste de Leblanc] a été terminée par deux élèves, qui rendirent compte, avec la naïveté de leur âge, de la manière dont le citoyen Leblanc les instruisait et les conduisait ; l'un d'eux a fini par ces mots : « Nous avons partagé les pleurs de sa digne épouse, dont nous connaissions l'attachement pour lui ; car à la fin de chaque classe, elle venait elle-même apporter à son mari, en hiver les restaurants, en été les rafraîchissements, que la faiblesse de sa santé lui rendait nécessaires ; elle nous encourageait aussi avec bonté dans nos études, en sorte qu'en classe ou dans le cabinet du citoyen Leblanc, nous nous croyions toujours en famille ; et nous pourrions nous dire véritablement orphelins, si nous ne trouvions dans le successeur et les collègues d'un si bon maître, de quoi adoucir tous nos regrets » (Mahérault 99).

Cousin :
Dans le cours d'une si longue maladie, lorsque la douleur lui laissait quelque repos, ses entretiens étaient toujours aussi aimables et aussi pleins de la philosophie la plus courageuse, que lorsqu'il jouissait de la meilleur santé : il ne les interrompait que pour rendre hommage aux vertus de son épouse. Mes amis, nous disait-il souvent, je n'ai pas assez de force pour vous peindre tout le courage de cette femme (Cousin 99, p. 3).

L'acte de décès de son mari :
Le 14 Messidor an VII de la république
Acte de décès de Antoine Blanc, décédé ce matin à 10 heures, professeur et membre de l'Institut, agé de soixante neuf ans, natif de Marseille (Bouches du Rhone) domicilié à Paris quai de la Liberté n° 3, marié à Marie Anne Gouilly (AP, Reconstitution des actes de l'état civil de Paris, décès, 2 juillet 1799).

L'acte de décès de Marie-Anne Gouilly :
Du sept avril mil-huit cent quinze, deux heures de relevée, date du décès de dame Marie Anne Gouilly décédée aujourd'hui à onze heures du matin rentière agée de quatre-vingt cinq ans, née à Charleville (Ardennes) demeurant à Paris quai de Béthune n° 24, veuve de M. Antoine Blanc. Sur la déclaration de sieur Jean Marie François Gouilly, employé agé de vingt sept ans, demeurant quai de Béthune, n° 24 et de sieur Léonard Diothon journalier agé de quarante sept ans, demeurant quai de Béthune 24. Constaté par moi maire du 9[e] arrond[issemen]t de Paris et ont signé avec nous après lecture Gouilly, Diothon et Huet adjoint. Pour copie conforme le 24 avril 1815 le maire du 9e arrondissement (signé illisible) (AP, Reconstitution des actes de l'état civil de Paris, décès, 7 avril 1815).

Au père Lachaise :
Ci-gît Marie-Anne Gouilly, v[euv]e de Antoine Blanc, membre de l'Institut, née à Charleville, le 21 août 1729, et décédée à Paris, le 7 avril 1815.
Elle fut le modèle de la tendresse conjugale. La bonté de son cœur lui a toujours concilié l'estime des âmes honnêtes.
Ce monument modeste est érigé par la reconnaissance. De Profondis (Roger 16, vol. 2, p. 55).

Notice résumée
Abréviations
  • AD : Archives départementales.
  • AN : Archives nationales.
  • C. 412 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie de la Lune, déduite du seul principe de l'attraction réciproquement proportionnelle aux quarrés des distances, seconde édition à laquelle on a joint des Tables de la Lune, construites sur une nouvelle révision de toutes les espèces de calculs dont leurs équations dépendent, Paris, Dessaint et Saillant, (mars) 1765, in-4°, viii-162 p., 1pl [Télécharger] [5 septembre 1764 (2)] [(7 novembre) 27 octobre 1737 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [Plus].
  • NDA : Note de l'auteur.
  • NDE : Note de l'éditeur.
  • NDM : Note de moi, Olivier Courcelle.
Références
  • Bachaumont (Louis Petit de), Pidansat de Mairobert (Mathieu-François), Mouffle d'Angerville (Barthélemy-François-Joseph), Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres en France depuis 1762 jusqu'à nos jours, éd. Ch. Cave et S. Cornand, ? vol., Paris, 2009- [18 mai [1765]] [Plus].
  • Bachaumont (Louis Petit de), Pidansat de Mairobert (Mathieu-François), Mouffle d'Angerville (Barthélemy-François-Joseph), Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres en France depuis 1762 jusqu'à nos jours, 36 vol., Londres, 1777-1789 [22 décembre 1728 (1)] [Lalande] [Plus].
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