Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


Janvier 1760 (1)
Lettre d'un sçavant de Berne à M... sur le mémoire de M. Clairaut, lu à l'assemblée publique de l'Académie royale des sciences de Paris le 14 novembre 1758 [15 !], concernant le retour de la comète de 1682 [C. 48].

Vous me demandez mon avis sur le mémoire de M. Clairaut, lu à l'assemblée publique de l'Académie royale des sciences de Paris le 14 novembre 1758 [15 !, cf. 15 novembre 1758 (1)], et inséré dans le Journal des sçavans au mois de janvier 1759. Comme vous ne sauriez ignorer que l'auteur de ce mémoire est un de ces grands hommes que l'on ne doit citer que pour leur rendre les hommages qui leur sont dus, vous ne vous attendez pas à une critique de ma part : votre intention se borne sans doute à être informé, par un homme libre de tout esprit de partialité, de l'importance des sublimes découvertes et du pénible travail de M. Clairaut, que les uns ne sauraient se lasser d'admirer, et que les autres prennent à tâche de dépriser.
[…]
C'est précisément ce qu'a fait l'illustre M. Clairaut [examiner avec soin l'action des autres planètes que Jupiter sur la route de la comète]. Mais de quel courage ne fallait il pas s'armer pour se soumettre à ce pénible travail ? Jusqu'à quel degré ne fallait-il pas avoir perfectionné les méthodes et les connaissances que ces recherches exigeaient ? Il n'y a qu'un petit nombre des plus habiles gens qui puisse en juger convenablement. M. Clairaut fut encouragé par les admirables succès qu'avait déjà eus sa belle théorie sur les variations et les perturbations de la Lune [C. 39] ; et un grand astronome [Lalande] eut le zèle de l'aider, comme un simple ouvrier, dans les calculs astronomiques et numériques. Il fut encore obligé d'employer quelques autres secours [Mme Lepaute, Mlle Gouilly, Dionis du Séjour, cf. [c. juin] 1757 (1)], sans lesquels il aurait peut-être été réduit à ne prédire qu'après coup, ou à se contenter de faire voir que la comète avait suivi dans sa dernière révolution les lois que ses calculs indiquaient. Cependant toute sa diligence, toute son adresse pour abréger les calculs, et tous ses aides ne suffirent point pour qu'ils pussent être achevés avant l'assemblée publique de l'Académie royale des sciences du 14 novembre 1758 [15 !, cf. 15 novembre 1758 (1)], à laquelle il s'était proposé d'annoncer ses résultats. Mais en ayant fait la plus grande et la plus importante partie, il vit que ce qui lui restait à faire ne pouvait plus emporter que quelques semaines, par rapport au retour de la comète à une périhélie, et il ne s'était pas proposé une plus grande exactitude. Enfin il osa annoncer ce retour, et le fixer vers le milieu d'avril 1759. Ce que je trouve d'abord de bien intéressant dans cette prédiction, c'est qu'elle a été faite dans un temps où l'on n'attendait presque plus la comète, et où peut-être plusieurs astronomes avaient déjà quitté leurs affûts. Le mémoire de M. Clairaut pouvait les rassurer, et raffermir leur confiance ; il prévint les recherches qu'on était peut-être déjà tenté de faire sur les causes du défaut de la comète, inutilement attendue par quelques-uns depuis une année entière.
[…]
Quel fut enfin l'événement ? La comète parut. Elle fut premièrement observée en Allemagne, ou ce fut du moins de ce pays que la France en reçut les premiers avis publics ; car je ne veux rien dérober aux prétentions de M. de Lisle [Delisle]. Les astronomes de Paris ne la perdirent plus de vue, et ils fixèrent son passage réel par sa périhélie vers le milieu du mois de mars 1759, c'est-à-dire, un mois environ plutôt que M. Clairaut ne l'avait annoncé. Voilà donc la prédiction de notre grand géomètre accomplie ; la comète a passé par sa périhélie dans le temps, à un mois près, qu'il l'avait annoncé positivement, et sans user de réserve. Si on veut comparer ce mois de différence au temps d'une révolution entière, c'en est la neuf centième partie. C'est d'ailleurs la vingtième partie environ de la différence actuelle, qu'il y a eue entre la dernière période et la précédente ; et c'est peut-être la cinquantième partie de la plus grande variation.

Après cet exposé, vous jugez bien, Monsieur, que je rends à l'ouvrage de M. Clairaut et à ses succès tout l'honneur qu'ils méritent. En redoublant son travail, qui n'était déjà que trop pénible, il eût sans doute encore mieux rencontré la comète ; je doute cependant qu'il fût possible de pousser l'exactitude beaucoup plus loin, puisqu'on ne connaît pas assez exactement les éléments de la comète, ni les forces perturbatrices absolues. Un petit changement, dans la force absolue de Jupiter, en peut causer un assez considérable dans le temps de la révolution de la comète. D'ailleurs le grand nombre des opérations requises accumulera toujours plusieurs petites erreurs, qui ne sauraient manquer de devenir à la fin assez sensibles. J'apprends de Paris, qu'on va imprimer un traité de M. Clairaut sur toute cette matière [C. 51] : je m'impatiente de le voir ; il ne peut qu'être digne de l'auteur et de la matière dont il s'agit. Cependant cet illustre auteur n'a pu prévenir les critiques ; mais est-il bien certain qu'il en eût eu moins, si par hasard il eût rencontré plus juste ? On a pu taxer son mémoire d'être injurieux aux astronomes ; je n'y ai pourtant rien trouvé que d'obligeant pour ces Messieurs. M. Clairaut dit que le géomètre, et il parle de Newton, apprit de l'astronome ; il dit encore que le célèbre Halley vint prêter son secours à Newton, etc. De pareilles expressions ne marquent assurément aucune envie de faire tort aux astronomes. On a pu lui reprocher encore, malgré toute la modestie avec laquelle il a fait l'annonce du retour de la comète à sa périhélie, qu'il l'a retardée d'un mois. Je n'insisterai pas sur la cruauté de ce reproche, me contentant d'employer ici le mot d'Horace : Si quid novisti rectius istis, Candidus imperti : fi non, his utere mecum.

J'ai l'honneur d'être très-parfaitement, etc. (Journal étranger, janvier 1760, 74-83).

La table des matières précise que l'auteur est un certain M. D. B (Journal étranger, janvier 1760, pp. 197-198).

M. Daniel Bernoulli a les initiales qui conviennent, mais habite Bâle.

D'Alembert croit reconnaître Daniel Bernoulli (Alembert 61-80, vol. 2, p. 219).

Selon le prospectus en tête de volume et la table des matières, le Journal étranger est alors dirigé par l'abbé Arnaud, qui s'entoure de « coopérateurs », dont Montucla, Tscharner, de Berne, et son « compatriote » Schmidt (Journal étranger, janvier 1760, pp. Iii-xxxx, 197).

Du temps de Fréron, le Journal étranger avait fait paraître un curieuse pièce sur Clairaut (cf. 10 août 1755 (1)).

Clairaut apparaît encore dans le numéro suivant au détour d'une lettre d'un certain A. J. S., professeur de mathématiques à Rostock (cf. 28 décembre 1759 (1)), puis dans un extrait de (Lagrange 62) (cf. [1762] (1)).
Abréviations
Références
  • Alembert (Jean Le Rond, dit d'), Opuscules mathématiques, 8 vol., Paris, 1761-1780 [Klingenstierna] [4 mars 1739 (1)] [Plus].
  • Lagrange (Joseph-Louis, comte de), « Application de la méthode exposée dans le Mémoire précédent à la solution de différents problèmes de dynamique », Mélanges de philosophie et de mathématique de la Société royale de Turin pour les années 1760-1761, Turin, [1762], 2e pag., pp. 196-268 [Télécharger] [13 décembre 1741 (1)] [10 août 1755 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « Janvier 1760 (1) », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/nJanvier1760po1pf.html [Notice publiée le 15 novembre 2010, mise à jour le 26 novembre 2010].