Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


15 novembre 1747 (1) : Assemblée publique :
M[onsieu]r Clairaut a lu l'ecrit suivant.

Du systeme du monde dans les principes de la gravitation universelle (PV 1747, pp. 517-527).

Gallica

Il s'agit de C. 33a, la première partie (pp. 329-339) de « Du système du monde dans les principes de la gravitation universelle », HARS 1745 (1749), Mém., pp. 329-364, alias C. 33 (Taton 76).

Un manuscrit de C. 33a se trouve sur les PV (PV 1747, pp. 517-523).

Clairaut relit C. 33a les 22, 29 novembre et 2 décembre 1747 (cf. 22 novembre 1747 (1), 29 novembre 1747 (2), 2 décembre 1747 (1)).

La deuxième partie de C. 33 (C. 33b, pp. 340-352), essentiellement remise à Grandjean de Fouchy sous forme de plis cachetés les 7 janvier, 15 mars et 14 juin (cf. 7 janvier 1747 (2), 15 mars 1747 (1), 14 juin 1747 (2)), avait été lue à l'Académie les 28 juin, 1, 5 et 15 juillet, 12, 23 août et 2 septembre 1747 (cf. 28 juin 1747 (1), 1 juillet 1747 (1), 5 juillet 1747 (1), 15 juillet 1747 (1), 12 août 1747 (1), 23 août 1747 (1), 2 septembre 1747 (1)).

La troisième partie (C. 33c, pp. 353-364), formée à partir d'un pli cacheté remis à Grandjean de Fouchy le 6 septembre 1747 (cf. 6 septembre 1747 (2)), est lue à l'Académie les 2 décembre 1747 et 20 janvier 1748 (cf. 2 décembre 1747 (1), 20 janvier 1748 (1)).

Une note (p. 335) répond implicitement à Le Monnier qui accusera Clairaut d'avoir « pillé » Euler (cf. 7 décembre 1747 (1), 26 juillet 1749 (1)), une semblable accusation émanant de Fontaine selon Lalande (cf. 20 décembre 1748 (1)).

Une note (pp. 353-355) résume la réponse de Clairaut à ceux qui prétendront qu'il a été devancé par Newton lui-même ou Calandrini (cf. 20 décembre 1747 (1), 23 décembre 1747 (2)). Elle sera légèrement modifiée dans C. 332 (cf. 5 mai 1748 (1)).

Clairaut aura l'occasion de revenir sur la chronologie embrouillée de la composition de son mémoire, pressé qu'il est par les travaux sur le même sujet de d'Alembert et des concurrents du prix de 1748, Euler en tête (cf. 11 juin 1749 (1)).

Il reprend brièvement la chronologie de ses travaux sur le problème des trois corps dans le discours préliminaire de C. 41 (cf. 5 septembre 1753 (2)).

Il avait déjà travaillé sur la théorie de la Lune avec C. 32 (cf. 13 juin 1744 (1)).

Il avait pris date pour C. 33 le 22 décembre 1745 (cf. 22 décembre 1745 (2)), ce qui est une raison de plus pour expliquer sa parution dans le volume de 1745 plutôt que dans celui de 1747.

Clairaut annonce l'impossibilité d'expliquer le mouvement de l'apogée de la Lune par la simple considération de la loi de Newton, et propose de modifier cette loi.

Il avait annoncé ses conclusions à Euler le 11 septembre 1747 (cf. 11 septembre 1747 (1)), qui de son côté avait aussi remarqué la discordance entre théorie et observation, en penchant d'abord pour une explication d'inspiration cartésienne (tourbillons) (cf. 30 septembre 1747 (1)) avant de se rallier au point de vue de Clairaut sur la nécessité de modifier la loi de la gravitation (cf. 28 février 1748 (1)).

D'Alembert note la même discordance, la mettant sur le compte de la forme légèrement aplatie de la Terre ou d'une force magnétique (cf. 28 février 1748 (1)).

Clairaut se rétractera dans C. 40, un pli cacheté paraphé le 20 décembre 1748 (cf. 20 décembre 1748 (1)) et déposé le 21 janvier 1749 (cf. 21 janvier 1749 (1)), puis en séance avec C. 35 le 17 mai (cf. 17 mai 1749 (2)).

Il a changé d'avis entre le 25 novembre et le 20 décembre (cf. 5 mai 1748 (1)).

En attendant, sa prise de position entraîne aussi des démêlés avec Buffon ((Buffon 45a), C. 34, (Buffon 45b), C. 36, (Buffon 45c), C. 37, cf. 20 janvier 1748 (2)).

Il sera aussi attaqué par Walmesley dans (Walmesley 49), d'Arcy prenant sa défense dans (Arcy 49) (cf. 26 juillet 1749 (2)).

Un compte rendu de la séance se trouve dans le Mercure de France (cf. 15 novembre 1747 (2)), dans le Journal des sçavans (août 1748, pp. 467-470), dans le Journal de Trévoux (cf. 20 novembre 1747 (1)) et dans les Cinq années littéraires (cf. 10 mars 1748 (1), 10 mars 1750 (1)).

Nollet évoque la séance à Jallabert (cf. 16 novembre 1747 (1)), de même que Cramer (qui séjourne à Paris) (cf. 17 novembre 1747 (1), [2]5 novembre 1747, [c. décembre 1747] (1), 30 janvier 174[8], 8 février 1748 (1)).

C'est aussi à Cramer que Calandrini demande des éclaircissements sur cette séance, Cramer jouant également les intermédiaires lorsque Clairaut lit le 20 décembre 1747 (cf. 20 décembre 1747 (1)) un mémoire sur le commentaire de Calandrini dans (Jacquier 39-42) (cf. 19 février 1748 (1), 20 février 1748 (2), [6 mars] 1748, 6 mars 174[8]).

De la Rive à Genève est aussi informé (cf. 29 décembre 1747 (1), 28 février 1748 (2)).

Delisle évoque la séance à Bradley (cf. 27 novembre 1747 (1)), ainsi que La Caille (cf. 2 mai 1748 (1)) et Clairaut lui-même (cf. 19 août 1748 (1)).

Un prétendu Daniel Maclaurin, cousin de MacLaurin, se souvient de C. 33 dans le Journal étranger (cf. 10 août 1755 (1)).

C. 33 est évoqué dans la correspondance de Clairaut avec Euler (cf. 3 septembre 1747 (1), 11 septembre 1747 (1), 30 septembre 1747 (1), 7 décembre 1747 (1), 6 janvier 1748 (1), 28 mars 1749 (1)), avant que Clairaut ne lui envoie un exemplaire (voir plus bas).

C. 33 apparaît aussi dans la correspondance de Clairaut avec Cramer (cf. 3 juin 1749 (1), 19 juin 1749 (1), 26 juillet 1749 (1), 3 janvier 1750 (1), 5 août 1750 (2)).

C. 33 est évoqué par Euler à Maupertuis (cf. 2 décembre 1747 (2)), par Daniel Bernoulli à Euler (cf. 9 mars 1748 (2), [c. janvier 1749], 16 août 1749 (1)), par Delisle à Euler (cf. 24 mai 1748 (1)), par Maupertuis à Jean II Bernoulli (cf. [c. juin 1749]), par Mayer à Euler (cf. 4 juillet 1751 (1)), par Euler à Wettstein (cf. 27 avril 1751 (1)) qui le rapporte à la Royal Society (cf. (4 novembre) 24 octobre 1751).

Clairaut adresse le mémoire à la Royal Society (cf. (26) 15 décembre 1748, (31 août 1749) 20 août 1749), Thourneyser s'en faisant l'écho auprès de Haller (cf. 21 février 1749 (1)), Royal Society où on cherchera à le « relever » (cf. 19 juin 1749 (1)).

Par le biais de Caylus, il l'envoie à l'abbé Conti, ce qui donnera lieu à une seconde édition C. 332 (cf. 5 mai 1748 (1), 25 novembre 1748 (1), 27 novembre 1748 (1)).

Clairaut l'envoie aussi à Daniel Bernoulli (cf. [c. janvier 1749]), ainsi qu'à Euler (cf. 19 mars 1750 (1)) (qui reçoit aussi C. 33 ou C. 332 par Marinoni (cf. 3 janvier 1750 (2)), ce dernier exprimant son admiration (et sa frustration) le 2 juin 1750 (cf. 2 juin 1750 (1)), pour le plus grand plaisir de Clairaut (cf. 24 juillet 1750 (1)) qui lui donne un complément d'information (cf. 31 décembre 1750 (1)).

De Montigny fait l'extrait de C. 33 à l'Académie des belles-lettres (cf. 24 novembre 1747 (1), 7 mai 1748 (1)), et le citera de nouveau dans son extrait de C. 39 (cf. 14 décembre 1753 (1)).

Maty se souvient de C. 33 quand Clairaut séjourne en Angleterre (cf. [c. novembre 1752]).

Lesage prend note de C. 33 (cf. 27 avril 1764 (1), 23 mai 1764 (3)).

C. 33 est évoqué dans le Mercure ou dans le Journal helvétique lors du retour de la comète (cf. [c. mai] 1759 (1)).

Clairaut lui-même doit revenir sur la question (cf. [c. juin] 1762 (1)), ce qui amènera des précisions de la part de d'Alembert (cf. 5 juillet 1762 (1)).

Il évoquera C. 33 en envoyant C. 392=C. 412 à Bevis (cf. 10 avril [1765]).

Un extrait de C. 33 se trouve dans le Journal de Trévoux, décembre 1750, pp. 2787-2791.

Des résultats de C. 33 seront à nouveau exposés dans C. 52 (C. 52a, C. 52b, C. 52c) (cf. Décembre 1760 (1), Décembre 1760 (2), Janvier 1761 (1)).

Les aléas de la théorie de la Lune sont notamment étudiés dans (Chandler 75), (Waff 75), (Waff 95), (Bodenmann 10)...

Bouguer, un peu rapidement :
Aussi M. Clairaut a-t-il trouvé que le premier terme de l'expression ne suffisait pas et qu'il fallait nécessairement en ajouter un second, aussitôt qu'il a examiné le mouvement de l'apogée et du périgée de la Lune, avec la sagacité qu'il apporte dans toutes ses recherches. La Lune étant peu éloignée de la Terre, et ses distances changeant considérablement, les deux forces ou actions particulières doivent souffrir de grandes altérations ; et comme elles suivent différents rapports, leur diversité donne lieu de les démêler. Une barrière difficile à franchir avait empêché M. Newton de faire cette découverte si importante, qui bien loin de faire tort à sa théorie, la perfectionne au contraire. Pour ne pas entreprendre la solution d'un problème embarrassant, ce grand homme à qui nous ne devons pas en faire de reproche, puisque nous lui avons tant d'autres obligations, se contenta d'une approximation trop peu exacte. Il jugea à propos de n'évaluer que grossièrement la force perturbatrice à laquelle la Lune est sujette, cette force qui altère sans cesse et la situation de l'ellipse, et l'ellipse même que décrit cette planète. Faute de vérifier ou d'apercevoir que l'action du Soleil ne pouvait pas toute la fournir, il ne pouvait pas soupçonner qu'il fallait en attribuer une partie à la Terre même, dans laquelle il reconnaissait néanmoins des corpuscules qui agissent en raison inverse triplée de l'éloignement ; espèce d'action qui est propre comme il le savait encore, à faire avancer d'un pas réglé la ligne des apsides dont il était question. On trouverait, peut-être, encore une autre petite partie de cette force dans les corpuscules hétérogènes de la petite planète. Mais enfin pour trancher le mot, on ne peut pas disculper M. Newton de toute erreur, puisqu'il a cru que le second terme de la gravitation était insensible ; au lieu que ce terme est considérable par rapport à l'autre ; ce qui change la loi de la pesanteur qu'il faut au moins employer dans l'Astronomie physique lunaire (Bouguer 48, pp. 53-54).

D'Alembert cite C. 33 dans l'article « Problème des trois corps » de l'Encyclopédie (cf. 14 juin 1747 (1)).

Lalande cite C. 33 dans (Lalande 64a) (cf. 6 décembre 1750 (1)).

Lalande dans l'article « Évection » du Supplément à l'Encyclopédie :
Au reste le calcul rigoureux des équations de la Lune, produite par l'attraction du Soleil, est si compliqué, qu'il faut absolument le voir dans les ouvrages des géomètres qui en ont traité expressément, tels que M. d'Alembert, M. Euler, M. Clairault (Lalande 76f).

Condorcet dans l'article « Intégral (Calcul) » du Supplément à l'Encyclopédie :
Dès l'année 1686, Newton avait publié sa théorie du mouvement des planètes dans des orbites elliptiques, et ébauché le calcul des perturbations et des changements que pouvait produire la non sphéricité des corps célestes, et depuis ce temps jusqu'en 1747, que MM. d'Alembert, Euler et Clairaut trouvèrent leurs solutions analytiques du problème des trois corps, la connaissance du système du monde fit très peu de progrès. Jean Bernoulli ne s'en occupa que pour le combattre, il ne voulut pas être en philosophie le disciple de Newton, dont il était l'égal en mathématiques (Condorcet 77a).

Condorcet dans l'article « Problème des trois corps » du Supplément à l'Encyclopédie :
Vers 1745, M. d'Alembert [(Alembert 45a),(Alembert 45b)], M. Euler [(Euler 47a),(Euler 49b)] et M. Clairault [C. 33], chacun à peu près en même temps, donnèrent les premiers essais de cette solution analytique qu'on avait attendue vainement depuis soixante ans ; mais cette solution paraissait donner le mouvement de l'apogée très différent de ce qu'il est réellement. M. Clairault prétendit pendant quelque temps, que cette différence devait obliger de changer quelque chose à la loi établie par Newton, et M. de Buffon défendit cette loi par des raisonnements métaphysiques [(Buffon 45a), (Buffon 45b), (Buffon 45c)] qu'un adversaire géomètre n'eut pas de peine à détruire [C. 34, C. 36, C. 37]. Cependant, M. Clairault imagina que cette contradiction entre la théorie et l'observation pouvait venir de ce qu'il n'avait pas encore poussé assez loin sa méthode d'approximation ; en effet, en prenant un second terme de la série, qui donne le mouvement de l'apogée, il trouva un résultat moins éloigné de l'observation ; mais la série était peu convergente. M. d'Alembert, qui aussi bien que M. Euler, avait remarqué d'abord la même contradiction que M. Clairault, poussa beaucoup plus loin le calcul de cette série, et le poussa jusqu'à un point où elle était très convergente, et où elle donnait le mouvement de l'apogée conforme aux observations [!]. La loi de Newton se trouva donc hors d'atteinte. MM. Clairault [C. 39] et Euler publièrent ensuite leurs théories de la Lune [(Euler 53)], et M. d'Alembert ses Recherches sur le système du monde [(Alembert 54-56)].
[…]
Enfin, M. Clairault [C. 51, C. 56], M. d'Alembert [(Alembert 61-80, vol. 2)] et M. Albert Euler [(Euler 62a] ont donné chacun une méthode pour calculer les perturbations des comètes (Condorcet 77b).

Guyton de Morveau dans l'article « Affinité » de l'Encyclopédie méthodique :
À la vérité, Newton paraît n'avoir pas vu la possibilité de faire servir à l'explication des affinités la loi générale de la gravitation, il était même quelquefois tenté d'admettre d'autres forces attractives répulsives ; et le célèbre Clairaut, s'appuyant de son autorité, soutenait encore contre M. de Buffon, en 1745 [Voyez les Mém[oires] de l'Acad[émie] roy[ale] des sciences de cette année NDA.], que la loi du quarré des distances n'était pas la seule, que les phénomènes les plus à notre portée, tels que la forme ronde des gouttes de fluide et l'ascension des liqueurs dans les tuyaux capillaires, demandaient une autre loi. Mais quelques années après, l'illustre Buffon produisit cette belle pensée que j'aurai occasion de développer dans la suite de cet article, qui fit comprendre comment les attractions prochaines pouvaient varier à raison des figures ; et le plus grand nombre des chimistes, satisfait d'une théorie qui se reliait d'une manière si simple à la physique du monde, ne s'est plus occupé qu'à en étendre les applications.
[…]
Le mouvement des apsides de la Lune a paru se refuser, pendant, quelques temps, au système général de la gravitation ; et le célèbre Clairaut lui-même s'était laissé aller au soupçon qu'il pouvait dépendre d'une loi différente de la raison doublée des distances, avant que des calculs plus exacts lui eussent montré la manière de relier ce phénomène à la Physique céleste. Il est donc au moins raisonnable d'espérer que, quand on sera parvenu à rassembler tous les éléments nécessaires au calcul des affinités, on pourra de même les faire rentrer dans ce système (Guyton de Morveau 86, pp. 538-539, 545-546).

Bailly :
Trois géomètres ont paru presque a la fois en Europe, MM. Clairaut et d'Alembert en France, M. Euler à Berlin. La science de la dynamique s'étendit entre leurs mains ; le champ vaste du calcul intégral, semblable à ces landes que la patience et le travail peuvent seuls fertiliser, fut défriché dans un plus grand nombre de ses parties. Avec ces moyens ajoutés aux moyens de Newton, les trois géomètres conçurent le grand projet de refaire son grand ouvrage, de ne lui prendre que sa loi, et de tout dériver de ce principe unique, en détaillant ses effets et en suivant ses conséquences. La marche de nos géomètres paraît contraire à celle de Newton ; et elle a dû l'être en effet. [...] Nous ne nous proposons pas de faire mention ici du mérite géométrique de ces travaux, ni des méthodes et des artifices de calcul employés par ces géomètres justement célèbres ; ce mérite appartient à l'histoire de la géométrie. Notre tâche est de montrer comment cette science a été utile à l'astronomie, d'indiquer ses moyens ; et en développant aux lecteurs l'esprit métaphysique, qui a conduit l'homme dans ces profondeurs, de faire taire la défiance qui s'étonne de succès inespérés, et d'établir la confiance en satisfaisant la curiosité. […] Le premier mérite des trois géomètre rivaux est d'avoir mis ainsi le problème [des trois corps] en équation ; mais cette équation était différentielle, et du second ordre […]. C'est donc à cette double profondeur, à ce second degré de la nature infiniment petite, que les trois géomètres ont atteint la solution désirée du problème des trois corps. Mais il ne suffit pas d'être descendu, il faut revenir aux choses sensibles. Le second mérite de nos trois géomètres fut de retrouver les quantités finies par deux intégrations successives, qui furent obtenues de l'adresse du calcul […] On attendait de la nouvelle solution du problème des trois corps, que Newton soit justifié sur ce point [mouvement de l'apogée]. On fut bien étonné de trouver que la théorie n'indiquait ici que la moité du mouvement donnée par les observations. […] Lorsque la théorie et l'observation diffèrent sur un fait, l'observation qui constate ce fait, ne permet point de doute ; il faut que le tort soit du côté de la théorie : et ce qui accusait le plus cette théorie, c'est que les trois géomètres, sans s'être communiqué ni leurs résultats, ni même leur projet [M. Euler avait envoyé sa solution du problème des trois corps en 1747, dans une pièce qui remporta le prix de l'Académie des sciences en 1748, sur la cause des inégalités de Saturne [(Euler 49b)]. M. d'Alembert avait remis sa solutions cachetée au secrétaire de l'Académie le 6 novembre 1747 [cf. 6 novembre 1747 (1)], et M. Clairaut lut son mémoire et sa solution à l'assemblée publique du 15 novembre de cette même année NDA.], n'avaient, chacun de leur côté, trouvé par la théorie que la moitié du mouvement observé. […] Il était hardi d'oser réformer cette loi [de la gravitation] établie sur tant de phénomènes […] M. Clairaut eut le courage de prendre ce parti, et ce fut par zèle pour l'attraction ; il voulut écarter l'écueil où ce principe semblait se briser. Voici comment M. Clairaut raisonna : dès que l'apogée ou les apsides d'une planète sont en mouvement, c'est une preuve que la force qui pousse cette planète vers un centre, ne suit pas exactement la loi du carré des distances ; il y a quelque différence ou quelque altération. Le Soleil par sa force perturbatrice est bien une source d'altération, mais elle ne suffisait pas; elle ne donnait que la moitié du mouvement de l'apogée. Il fallait donc que quelqu'autre cause produisît l'autre moitié ; il fallait donc que la force même qui émane de la Terre sur la lune, ne suivît pas la loi du carré des distances. Mais en changeant la loi pour la conformer au phénomène de la Lune, on ne devait pas oublier que cette loi pure et simple suffisait à toutes les autres planètes. M. Clairaut imagina de l'exprimer par deux termes, dont le premier suivait la raison du carré des distances, loi primitive et devenue presque sacrée ; l'autre terme variait comme les carrés carrés, ou comme les quatrièmes puissances de la distance. Ce terme était très petit, et même s'anéantissait dans les orbites des planètes, qui font toutes assez éloignées du Soleil ; mais à la proximité où la Lune est de la Terre, il devenait capable de produire le mouvement désiré (Bailly 85, pp. 141-153).
[…]
Avec ces nouveaux secours, trois géomètres, MM. Clairaut, d'Alembert et Euler, qui ont succédé à Newton, ont pu, en suivant son esprit, voir mieux et plus loin que lui. Newton n'avait complètement résolu que le problème de deux corps, dont l'un reste en repos, et commande par une masse prépondérante ; et dont l'autre obéit, en circulant dans une ellipse. Mais lorsqu'un troisième vient par une action nouvelle troubler cette obéissance, ce problème de trois corps, qui s'attirent mutuellement, devient très difficile. Si le génie de Newton lui a révélé les effets les plus sensibles de cette complication, si ce grand homme a pénétré dans l'intérieur des globes pour connaître l'action particulière de leurs molécules, et les petits mouvements qui en résultent, il paraît n'y être parvenu que par des méthodes d'estimation, dont il s'est réservé le secret. Newton, semblable à un conquérant qui subjugue un vaste empire, n'a pu à lui seul en soumettre toutes les parties ; il a imposé les lois et il a laissé à ses successeurs le foin et le mérite de les faire partout reconnaître. MM. Clairaut, d'Alembert et Euler ont en effet résolu ce grand problème des trois corps, qui est applicable à tout, qui est la base de toutes les recherches de ce genre, et qui fait la gloire et le caractère distinctif de notre siècle. Ces géomètres se sont ensuite partagé les recherches et les routes. M. d'Alembert a complètement résolu le problème de la précession des équinoxes et de la nutation de l'axe de la Terre ; M. Euler a expliqué les dérangements de Jupiter et de Saturne ; M. Daniel Bernoulli, le phénomène des marées. Enfin M. Clairaut a calculé comment les comètes étaient retardées ou accélérées dans leur route, et il a donné la méthode de prédire leur retour. Depuis ces travaux, M. de la Grange s'est assoxié à ces célèbres géomètres (Bailly 85, p. 328-329).

Bailly s'appuie lui-même sur la résolution du problème des trois corps de Clairaut pour ses travaux sur les satellites de Jupiter (cf. 27 mars 1762 (1)).

Montucla :
Clairaut me paraît le premier qui ait osé attaquer de front ce problème [des trois corps] qu'on peut considérer comme un problème de pure dynamique. […] Clairaut qui avait, dès 1742, résolu quelques problèmes de dynamique qui ont de l'analogie avec celui-là [C. 30], le tenta vers 1743, et en fit l'objet d'un mémoire qu'il lut à l'Académie cette même année sous le titre, De l'orbite de la Lune dans le système de Newton [C. 32]. C'est a cette date qu'il faut, ce semble, rapporter le commencement des méditations qu'on vit peu d'années après éclore sur ce sujet et qui furent l'ouvrage d'un petit nombre des plus forts géomètres de l'Europe.
Mais on peut dire que ce travail de Clairaut n'était que le prélude d'un autre beaucoup plus considérable, et plus profond de toutes manières qui vit le jour pour la première fois en 1747 [C. 33]. En effet, ici Clairaut suppose l'orbite primitive de la Lune être une ellipse dont elle est continuellement dérangée, au lieu que dans le premier mémoire, il l'avait supposée un cercle ou très approchante du cercle, sans quoi des intégrations auxquelles il parvenait au moyen de cette supposition n'auraient pu réussir. Il y considérait aussi spécialement le mouvement des apsides de la Lune, sur lequel la théorie newtonienne avait déjà paru en défaut, car Machin avait désespéré de faire cadrer la théorie avec l'observation qui donnait le double de ce qui paraissait résulter de la première.
Clairaut ne trouva encore pour le mouvement annuel de l'apogée de la Lune qui est de 19° 20' que la moitié de cette quantité. Tout attaché qu'il était à la théorie newtonienne de l'attraction, il ne pouvait le dissimuler, et il en lit l'aveu dans un mémoire lu à l'assemblée publique de l'Académie, du mois de novembre 1747. Il ne désespérait cependant pas qu'il n'y eût un remède, qu'il soupçonnait consister dans l'addition d'un terme à l'expression de la loi de l'attraction, lequel terme devenant nul ou comme nul dans les distances très petites pouvait produire, dans une distance comme celle de la Lune, un effet sur le mouvement des apsides ; ce fut bientôt le sujet d'un petit démêlé qu'il eut avec Buffon, et qui fut poussé avec quelque vivacité de part et d'autre [cf. 20 janvier 1748 (2)]. Mais les raisonnements de Buffon étaient purement métaphysiques et ne pouvoient porter atteinte aux calculs.
Cet aveu de Clairaut causa une espèce de scandale dans le monde savant. D'un côté, les ennemis de la théorie newtonienne en triomphèrent et se hâtèrent de publier que le grand édifice élevé par Newton allait s'écrouler. De l'autre, ceux des partisans de Newton qui étaient plus physiciens que géomètres inculpèrent d'erreur les calculs de Clairaut, et il y en eut d'autres qui travaillèrent, pour ainsi dire, à étayer l'édifice. Mais nous nous hâtons d'observer que ce triomphe des antinewtoniens ne dura pas longtemps. Plus l'insuffisance de la loi de l'attraction, en raison inverse du quarré des distances pour le mouvement de l'apogée de la Lune, s'accordait peu avec les conclusions tirées de cette loi pour les autres phénomènes célestes, plus il était naturel que Clairaut cherchât d'où pouvait venir cette insuffisance apparente ; il le trouva enfin, et il annonça au mois de mai 1749 [cf. 17 mai 1749 (2)] qu'ayant considéré la question sous un nouveau point de vue, il était parvenu à concilier assez exactement le mouvement de l'apogée de la Lune avec la loi de l'attraction en raison inverse du quarré de la distance. Il ne faisait pas alors connaître la route qui l'y avait conduit, mais les fondements de sa nouvelle méthode étaient consignés dans un écrit [C. 40], remis cacheté au secrétaire de l'Académie le 21 janvier [cf. 21 janvier 1749 (1)], et dans un semblable envoyé à la Société royale de Londres à à l'adresse de Folkes son président [cf. 26 janvier 1749 (1)]. Aussi il paraît que si Clairaut fut le premier a causer l'espèce de scandale qui agita les newtoniens, il fut aussi le premier à le réparer.
En effet, nous devons faire ici deux remarques importantes. La première que tandis que Clairaut travaillait en secret sur la théorie de la Lune, et parvenait à y appliquer un calcul direct, Euler et d'Alembert, de leur côté, travaillaient sur le même objet. Euler avait déjà publié, en 1746, de nouvelles tables de la Lune qui supposaient une théorie déjà faite ; et quand Clairaut commença a lire, à l'Académie, son mémoire sur ce sujet, d'Alembert consigna le sien entre les mains du secrétaire pour prendre date. Ce mémoire se trouve inséré dans le volume de Académie pour 1743 [1745 !] [(Alembert 45a), (Alembert 45b)], à la suite de celui de Clairaut ; car l'Académie pensa, avec raison, ne devoir pas priver le public de ces deux savantes pièces, jusqu'au moment où serait imprimé le volume de 1747. D'Alembert continua de s'en occuper dans, ses Recherches sur le système du monde [(Alembert 54-56)], et dans ses Opuscules [(Alembert 61-80)], où il a donné de savantes et ingénieuses recherches sur ce sujet.
La seconde observation est que Euler et d'Alembert ne trouvaient, comme Clairaut, pour le mouvement de l'apogée de la Lune que la moitié de celui qu'il a réellement.
La date d'Euler, pour le problème des trois corps, remonte au moins à la même époque, car l'Académie ayant proposé en 1746 [cf. 20 avril 1746 (1)] un prix dont l'objet était les dérangements que se causent mutuellement Saturne et Jupiter, la pièce couronnée [(Euler 49b)] en 1748 [cf. 24 avril 1748 (1)], se trouva contenir une résolution complète du problème des trois corps, d'après les principes de l'attraction, en raison inverse des quarrés des distances, et dès lors Euler était conduit au même résultat que Clairaut et d'Alembert. Mais il a, comme eux, reconnu dans la suite que sa conclusion était précipitée (Montucla 99-02, vol. 4, pp. 66-68).

Bossut :
Pendant qu'Euler était occupé de ses recherches sur les mouvements de Saturne et de Jupiter, il appliquait aussi ses méthodes au mouvement de la Lune, qui est un problème du même genre. De leur côté, Clairaut et d'Alembert traitaient ce dernier problème par des méthodes qui leur étaient propres, et sans rien se communiquer. Les solutions des deux géomètres français furent publiées en 1749, dans le volume de l'Académie pour l'année 1745 [C. 33, (Alembert 45a), (Alembert 45b)], celle d'Euler le fut dans un ouvrage intitulé Theoria motûs lunae [(Euler 53)]. Je vais suivre dans mon récit l'ordre des temps où ces théories ont paru.
Clairaut considère la Lune comme soumise à l'action de quatre forces, dont la première et la principale est sa tendance vers la Terre. Les trois autres sont des forces perturbatrices qui proviennent de l'attraction du Soleil. De ces trois dernières, la première, située dans le plan de l'orbite lunaire que l'auteur considère alors comme fixe, est dirigée suivant le rayon vecteur mené de la Lune à la Terre ; et s'ajoute à la force principale ; la seconde, aussi située dans le plan de l'orbite lunaire, agit perpendiculairement à l'extrémité du rayon vecteur ; et enfin la troisième est parallèle à la ligne qui joint le Soleil à la Terre.
La force principale et les deux premières forces perturbatrices font décrire à la Lune à peu près une ellipse dont le grand axe ou la ligue des absides tourne suivant l'ordre des signes : la question est d'abord de déterminer la nature de cette courbe, et le temps que la Lune met à en parcourir un arc quelconque, à compter d'une ligne fixe dans le ciel. Clairaut forme deux équations différentielles du second ordre, dont les intégrales, en termes finis, remplissent les deux objets qui viennent d'être indiqués. Ces intégrales ont l'inconvénient de contenir encore des termes affectés de signes sommatoires ; mais comme ces termes proviennent des forces perturbatrices qui sont fort petites en comparaison de la force principale, Clairaut fait disparaître ces signes, en négligeant les quantités qu'on peut regarder comme des infiniment petits du second ordre. Par une suite de calculs analogues aux règles de fausses positions que les astronomes emploient pour corriger successivement diverses quantités dans la réduction de leurs observations, notre auteur parvient de proche en proche à des valeurs très approchées et suffisantes, tant du rayon vecteur que du temps. Il trouve donc ainsi le lieu de la Lune dans son orbite : ensuite il réduit, par les moyens connus, ce lieu au plan de l'écliptique, ce qui donne la longitude de la Lune.
Il reste à indiquer l'effet de la troisième force perturbatrice, c'est-à-dire, de la force parallèle à la ligne qui joint le Soleil et la Terre. Cette force tend à imprimer un mouvement rétrograde à la ligne des nœuds, et à faire varier l'inclinaison de l'orbite lunaire sur le plan de l'écliptique. Clairaut donne les formules qui expriment ces mouvements. De là résulte la détermination de la latitude de la Lune. En combinant la latitude avec la longitude, on a finalement le lieu de la Lune dans le ciel, pour un instant quelconque ; ce qui était l'objet final du problème des mouvements de la lune.
Dans ces nombreux et difficiles calculs des inégalités de la Lune, Clairaut s'était d'abord mépris sur la quantité du mouvement de l'apogée : il ne l'avait trouvée, par la théorie, qu'environ la moitié de ce quelle est réellement suivant les observations. Ce résultat, dont il se croyait bien sûr, et qu'il se hâta d'annoncer dans l'assemblée publique de l'Académie des sciences, du 14 novembre 1747 [15 novembre 1747 !], affligea beaucoup les newtoniens, et réjouit d'autant les cartésiens. Aussitôt ces derniers en firent retentir tous les journaux : ils espéraient que le système newtonien, convaincu de faux dans un point essentiel, croulerait tout entier à un nouvel examen. Mais leur triomphe ne fut pas de longue durée. Clairaut ayant revu ses calculs avec sévérité, s'aperçut qu'il n'avait pas poussé assez loin l'approximation de la série qui devait donner le mouvement de l'apogée. Il corrigea donc son erreur, et il trouva la totalité de ce mouvement, sans rien ajouter ni rien changer à la théorie newtonienne. Il rétracta publiquement et avec franchise son assertion précipitée [cf. 17 mai 1749 (2)]. Alors l'attraction fut rétablie avec honneur dans les espaces célestes, d'où les cartésiens avaient cru un moment la voir bannir.
Du reste, l'erreur de Clairaut était d'autant plus subtile et plus pardonnable, que d'Alembert et Euler y avaient été aussi conduits par leurs méthodes. Tous se corrigèrent à peu près dans le même temps.
L'Académie de Pétersbourg ayant proposé la théorie de Lune pour sujet d'un prix, pour l'année 1752, Clairaut envoya [cf. 6 décembre 1750 (1)] au concours une pièce qui fut couronnée et imprimée la même année à Pétersbourg [C. 39]. Il y avait joint des tables, qui se trouvèrent un peu défectueuses, soit par quelques erreurs dans les formules analytiques, soit par l'inexactitude des observations qui leur servaient de base. En 1765, Clairaut donna, peu de temps avant sa mort, une nouvelle édition de cet ouvrage [C. 392] avec des additions théoriques, et de nouvelles tables, que les astronomes estiment beaucoup. […] La méthode que Clairaut a suivie de considérer le mouvement de la Lune dans son orbite réelle demande ensuite qu'on le réduise à l'écliptique. […] Euler parvint en effet de cette manière à déterminer la longitude et la latitude de la Lune, c'est-à-dire la véritable position de cette planète dans le ciel, avec une exactitude à peu près égale à celle que Clairaut et d'Alembert avaient trouvées par d'autres méthodes très différentes (Bossut 10, pp. 383-389).

Laplace, dans son Traité de mécanique céleste :
En 1747, Clairaut et d'Alembert présentèrent à l'Académie des sciences, les équations différentielles du mouvement d'un corps attiré par deux autres, et leurs méthodes pour intégrer ces équations, lorsque la force principale qui sollicite le corps est fort supérieure aux forces perturbatrices, ce qui est le cas de la Lune et des planètes. Ces deux illustres géomètres firent une application spéciale de leurs analyses, au mouvement de la Lune ; et ils en conclurent avec une grande facilité, non seulement l'inégalité de la variation, que Newton avait obtenue d'une manière compliquée, quoique fort ingénieuse, mais encore l'évection qu'il avait tenté inutilement de rattacher à cette théorie, l'équation annuelle et beaucoup d'autres inégalités.
Dans le calcul des perturbations du mouvement de la Lune en longitude : Clairaut considère l'orbite comme située dans le plan de l'écliptique ; il donne une expression élégante et simple du rayon vecteur de la Lune. La première partie de cette expression, indépendante de la force perturbatrice, est la valeur elliptique qui sans cette force subsisterait seule. L'autre partie dépend de cette force, et renferme deux intégrales qui ne peuvent être rigoureusement déterminées qu'autant que l'on connaît déjà le rayon vecteur. Mais on peut les avoir d'une manière approchée, en substituant pour ce rayon, sa partie elliptique. On obtient ainsi une valeur du rayon vecteur approchée aux quantités près de l'ordre du carré de la force perturbatrice. En substituant cette valeur, dans les intégrales, on a une seconde valeur du rayon vecteur approchée aux quantités près dé l'ordre du cube de la force perturbatrice, et ainsi de suite. Mais ce procédé introduit dans l'expression de ce rayon, des arcs de cercles qui la rendraient bientôt inexacte. Pour obvier à cet inconvénient, Clairaut rapporte la partie elliptique du rayon vecteur, à un apogée mobile. En substituant alors cette partie dans les intégrales, il n'a plus d'arcs de cercle ; mais la valeur qu'il trouve pour le rayon vecteur contient un terme elliptique relatif à un apogée immobile. En déterminant convenablement les constantes introduites par le calcul, il fait disparaître ce terme ; et en comparant la valeur du rayon vecteur qu'il trouve ainsi, avec celle qu'il a supposée, il obtient le mouvement de l'apogée. Une première approximation ne lui donna que la moitié du mouvement observé.
Newton était déjà parvenu à ce résultat singulier, dans la proposition 45 du premier livre des Principes, mais dans la théorie de la Lune qu'il a donnée dans le troisième livre, il n'a point rappelé ce résultat qui pouvait paraître infirmer cette théorie, et qui, en effet, porta Clairaut à penser qu'elle devait être modifiée, en ajoutant à la loi de l'attraction, un terme proportionnel à une puissance de la distance inverse, supérieure au carré, terme qui, insensible pour les planètes, ne deviendrait sensible qu'à des distances peu considérables, telles que la distance de la Lune.
Cette conclusion de Clairaut fut vivement attaquée par Buffon [cf. 20 janvier 1748 (2)] qui se fondait sur ce que les lois primordiales de la nature, devant être de la plus grande simplicité ; leur expression ne doit dépendre que d'un seul module, et par conséquent, ne renfermer qu'un terme. Cette considération doit nous porter sans doute, à ne compliquer la loi de l'attraction que dans un besoin extrême ; mais l'ignorance où nous sommes de la nature de cette force, ne nous permet pas de prononcer avec assurance sur la simplicité de son expression. Quoi qu'il en soit, le métaphysicien eut raison vis-à-vis du géomètre qui reconnut son erreur, et fit la remarque importante, qu'en poussant plus loin l'approximation, la loi de l'attraction newtonienne donne à fort peu près le mouvement de l'apogée. Ce résultat dont Clairaut fit part à l'Académie, le 17 mai 1749 [cf. 17 mai 1749 (2)] [C. 35], dissipa tous les doutes sur la loi de l'attraction qu'Euler trompé par une erreur de calcul avait jugée contraire aux observations de Saturne, dans sa première pièce sur les mouvements de cette planète et de Jupiter.
Clairaut réunit les divers résultats de sa théorie de la Lune, dans une pièce [C. 39] qui remporta le prix proposé en 1750 par l'Académie des sciences de Pétersbourg. Cette pièce imprimée d'abord en 1752 dans cette capitale, fut réimprimée à Paris en 1765 [C. 392=C. 412], avec des additions et de nouvelles tables de la Lune déjà fort rapprochées des observations, et qui faisaient naître l'espoir que l'on parviendrait un jour à déduire de la théorie seule, des tables aussi parfaites qu'on puisse les désirer (Laplace 78-12, vol. 5, pp. 394-397).

Laplace tient un discours assez similaire dans son Exposition du système du monde (Laplace 78-12, vol. 6, p. 250) et dans la CDT pour 1823 (cf. 13 janvier 1759 (1)).
Abréviations
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