Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


21 juillet 1749 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler :
Monsieur,

Je ne comprends pas comment M. Grischow [cf. 7 juin 1749 (1)] a pu me croire capable de prendre en mauvaise part qu'on vous eût communiqué une chose que j'avais lue publiquement à l'Académie [cf. 17 mai 1749 (2)] et dont tout Paris était informé le même jour. Il m'a fait l'honneur de m'écrire en partant pour me protester qu'il n'avait aucune part à ce que vous saviez cette nouvelle, comme si j'avais imaginé me cacher d'un fait aussi divulgué que les nouvelles de la Gazette. Je vous prie de lui dire que s'il m'avait fait l'honneur de me dire qu'il écrivait à Berlin, je l'aurai prié au contraire de marquer à votre Académie ce que j'avais lu dans la nôtre. Il faut qu'en causant avec d'autres personnes qui n'ont manqué aucune occasion de me faire des tracasseries [Buffon, Le Monnier, notamment, cf. 15 novembre 1747 (1)], il ait craint d'en faire naître de nouvelles par là et d'y être cité mal à propos. Mais il ne me rend pas justice s'il me soupçonne de le croire un esprit brouillon. Je n'ai qu'à me louer de lui, et je l'aime et l'estime fort. Je suis même très fâché de n'avoir pas plus profité de son commerce pendant son séjour à Paris.

Quant à vous, Monsieur, loin d'avoir eu envie de vous cacher ma rétractation, je comptais vous en écrire à peu près dans le temps où j'ai reçu votre avant dernière lettre [perdue NDM]. C'était même une occasion de réveiller notre commerce.

Je n'ai jamais imaginé que vous prissiez en mauvaise part la nouvelle remarque que j'ai faite sur l'attraction newtonienne parce que je ne connais point de savant plus attaché à la vérité que vous, ni plus propre à la découvrir. Ce que vous me mandez des tentatives inutiles que vous avez faites pour tirer le vrai mouvement de l'apogée de votre méthode, me ferait défier de la mienne si je ne la croyais pas fondée sur de principes fort clairs. Je ne me suis encore ouvert qu'à M. d'Alembert sur la nature de l'erreur que j'avais commise en me servant la première fois de ma méthode, et il serait inutile que je vous mandasse la même chose que ce que je lui ai dit, attendu que vous n'avez pas vu comme lui le mémoire que j'ai donné en 1747 [C. 33], lequel serait livré au public depuis longtemps sans la dispute que j'ai eue à l'Académie qu'on a voulu insérer dans le même volume [(Buffon 45a), C. 34, (Buffon 45b), C. 36., (Buffon 45c), C. 37, cf. 20 janvier 1748 (2)]. Mais comme vous me faites l'honneur de me demander ce que je crois devoir reprocher à votre méthode qui avait conduit au même résultat, je vous le dirai avec franchise, en vous avertissant néanmoins de ne prendre mon sentiment que comme un simple soupçon, à cause que je ne connais pas assez bien votre méthode pour en parler avec certitude. Je soupçonne donc que c'est pour avoir négligé des termes qui viennent des carrés des forces perturbatrices dans votre calcul, lorsque vous intégrez vos 1eres équations différentio-différentielles, que vous n'êtes pas arrivé au vrai résultat. Du moins, c'est après avoir eu égard à ces termes que je suis parvenu à trouver à peu près le mouvement réel de l'apogée [C. 40].

L'excentricité du Soleil, ni l'inclinaison des deux orbites ne sont rien à la question. Je n'ai pas même encore achevé le calcul de l'orbite de la Lune dans le cas où elle est inclinée sur celle de la Terre. Quant à l'excentricité du Soleil, j'y ai eu égard avec le plus grand scrupule. Mais ce n'est que depuis que j'ai trouvé le vrai mouvement de l'apogée. Et la correction qui en résulte pour ce mouvement est très légère.

Si par l'attention dont je vous parle, vous ne trouvez pas le mouvement en question, je vous prierai alors, et indépendamment de cela, même je vous prie fort, d'examiner ma méthode que vous allez avoir incessamment, puisqu'on n'attend plus pour livrer notre volume que de l'avoir présenté au Roi. Quoique je n'aie point dit dans cet ouvrage le lieu où était mon erreur, vous la verrez facilement après ce que je viens de vous marquer et non seulement vous trouverez le mal mais quel est le remède que j'y ai apporté. Je ne puis vous dire combien j'ai été flatté de toutes les choses obligeantes que vous m'avez mandées à l'occasion de recherches qui m'ont causé tant de querelles. Il vient de paraître à propos de querelles un ouvrage d'un bénédictin anglais [(Walmesley 49)] contre moi. On y attaque non seulement ma méthode mais on prétend en donner trois autres qui mènent au vrai but. Ce qu'il y a de bon pour cet auteur c'est que lorsqu'on calcule ces méthodes suivant les principes qu'il pose, elles ne donnent encore que la moitié du mouvement de l'apogée. Si cet ouvrage est parvenu jusqu'à vous, je vous prierais de m'en marquer votre sentiment. J'ai l'honneur d'être avec la plus vive estime, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut.

Paris, 21 juillet 1749.

Je vous prie de faire bien des compliments à M. de Maupertuis, et de me dire, supposé que vous le sachiez, ce qu'il a dit de toute cette affaire (O IVA, 5, p 188-189).
La dernière lettre de Clairaut remontait à celle du 19 juin (cf. 19 juin 1749 (1)).

La réponse d'Euler est perdue.

Clairaut réécrit à Euler le [c. fin août 1749].

Euler ne parviendra à accorder la théorie de la Lune avec les observations qu'en avril 1751, après la réception de C. 39 pour le prix de Saint-Pétersbourg (cf. 10 avril 1751 (1)).

Clairaut écrit une lettre d'inspiration similaire à Cramer le 29 (cf. 26 juillet 1749 (1)).

D'Arcy pare aux attaques de Walmesley le même jour (cf. 26 juillet 1749 (2)).
Abréviations
Références
Courcelle (Olivier), « 21 juillet 1749 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n21juillet1749po1pf.html [Notice publiée le 7 août 2010].