Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


24 juillet 1750 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler :
Monsieur

J'ai été fort flatté de ce que vous m'avez fait l'honneur de me marquer sur le mémoire [C. 33] que je vous ai envoyé. Ce que vous m'avez dit en particulier sur mon second lemme m'a fait d'autant plus de plaisir que c'est ce dont j'ai été le plus content des recherches que cette matière m'a engagé de faire. Le reste, et singulièrement ce qui m'a donné le vrai mouvement de la Lune [C. 40], n'étant dû qu'à une attention extrême à ne négliger que le moins qu'il est possible les petites quantités qui entrent dans l'expression des forces. J'espère que je serai bientôt jugé en entier par vous sur cette matière puisque vous serez de ceux qui choisiront entre les pièces du prix de Pétersbourg [cf. 15 juillet 1749 (1)]. Car je ne pourrai guère défendre d'y concourir ayant à peu près toute la théorie de Lune tirée des principes que j'ai exposé en gros dans le mémoire que vous avez vu, mais qui se trouveront mieux développés, dans ma nouvelle pièce [C. 39]. Je ne puis me flatter d'avance du succès de mon travail quant au prix parce que je ne puis savoir si quelqu'un d'autre n'aura pas mieux traité la question que moi. Mais je sens bien que le prix ne pourrait pas être dans le cas d'être remis avec ce que j'ai, parce que je crois avoir démontré suffisamment que la théorie de l'attraction seule, et donc la loi du quarré des distances, suffisait pour expliquer toutes les irrégularités de la Lune et pour en assigner les mouvements mieux que les tables de M. Halley [(Halley 49)]. Et comme il y a déjà longtemps que je suis arrivé à ce point, je n'aurai pas pu manquer le prix s'il avait été donné l'année passée. Car personne que je sache n'avait touché le but. Aujourd'hui la chance n'est pas si belle pour moi, à cause que j'ai donné des armes pour me combattre en publiant mon mémoire et en communiquant à mes rivaux des artifices dont je me suis servi, lesquels maniés par des personnes non fatiguées sur la matière pourraient fructifier plus heureusement que dans mes mains. Quoiqu'il en soit, dès que je ne vous ai pas pour rival et qu'au contraire, j'aurai le juge le plus équitable et le plus éclairé, je suis fort tranquille et je recevrai votre jugement avec toute la déférence possible.

J'espérai, il n'y a pas bien longtemps, vous donner une marque de mon estime et de mon attachement en vous servant auprès de notre ministre pour la place d'associé étranger qui a vaqué chez nous par la mort de M. Crouzas. Mais les puissances s'en sont mêlées et le Roi a décidé lui-même que la place serait pour le premier médecin de leurs majesté impériales. J'espère que nous serons plus libres une autre fois et je croirais servir l'Académie si je suis assez heureux pour contribuer tant soit peu à vous y incorporer, personne n'étant plus véritablement pénétré d'estime et de vénération pour vous que je le suis.

Vous avez actuellement à Berlin un homme illustre que vous devez avoir vu et qui doit vous avoir goûté, puisqu'il aime tous les grands hommes. C'est M. de Voltaire à qui je me suis donné les airs de vous recommander comme un homme dont le mérite tant connu qu'il est dans le monde savant ne l'est peut être pas assez dans le pays qu'il habite. Dites-lui, je vous prie, mille choses de ma part. J'envie bien son sort de vous voir et de pouvoir vous obliger.

Je suis avec toute l'estime et l'attachement possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut.

Paris, 24 juillet 1750 (O IVA, 5, pp. 196-197).
Clairaut répond à la lettre d'Euler du 2 juin (cf. 2 juin 1750 (1)).

La réponse d'Euler est perdue.

Clairaut réécrit à Euler le 31 décembre (cf. 31 décembre 1750 (1)).
Abréviations
Références
  • Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
  • Halley (Edmond), Edmundi Halleii astronomi dum viveret regii tabulæ astronomicæ. Accedunt de usu tabularum præcepta, Londini, 1749.
Courcelle (Olivier), « 24 juillet 1750 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n24juillet1750po1pf.html [Notice publiée le 12 septembre 2010].