Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


3 janvier 1750 (1) : Euler (Berlin) écrit à Teplov :
J'ai aussi reçu l'imprimé sur la question du prix [cf. 15 juillet 1749 (1)], laquelle ne pourrait pas être mieux choisie dans les circonstances qu'à présent. Car à l'heure qu'il est, c'est le sujet qui intéresse la plupart des grands savants de l'Europe et qui partage encore leurs sentiments, les uns soutenant que la théorie de Newton, qui supposent que les corps célestes s'attirent mutuellement en raison réciproque des quarrés de leur distance, n'est pas suffisante à expliquer toutes les inégalités qui s'observent dans le mouvement des planètes et surtout de la Lune, pendant que les autres soutiennent le contraire. La plus grand controverse roule sur le mouvement de l'apogée de la Lune, qui avance tous les ans de 40 degré ; Newton même ne touche pas ce point dans ses principes, mais en poursuivant sa méthode on trouve que ce mouvement de devrait que de 20 degré par an, et il y a bien de l'apparence que Newton s'étant aperçu de cette différence, s'est tu exprès sur cet article. Tous ceux qui ensuite se sont appliqués à cette matière ont trouvé ce même défaut de la théorie, et s'il y a eu quelques-uns qui ont voulu concilier la théorie avec les observations, leurs explications manquent partout de la clarté et des fondements suffisants. Mais ce qui est le plus remarquable dans cette épineuse controverse, c'est que M. Clairaut après avoir relevé à diverses reprises l'insuffisance de la théorie newtonienne à l'égard de l'apogée de la Lune [C. 33], s'est rétracté subitement là-dessus [C. 35], et a déclaré publiquement [cf. 17 mai 1749 (2)] qu'il s'était trompé jusqu'ici dans ses calculs, et qu'après y avoir corrigé les fautes, il trouve effectivement que la théorie de Newton était parfaitement d'accord avec les observations. M. Bernoulli est d'accord sur cet article avec M. Clairaut et prétend même de lui avoir donné les premières lumières là-dessus [cf. 16 août 1749 (1)]. Pour moi je vous avoue, Monsieur, que je suis d'un avis tout différent sur cet article, et mes calculs paraissent trop lumineux pour que je puisse douter, que la théorie donne plus de 20° pour le mouvement annuel de l'apogée de la Lune. Cependant M. Clairaut persiste dans son sentiment malgré toutes mes représentations [cf. 21 juillet 1749 (1)]. De là, vous jugerez, Monsieur, que cette question est non seulement une des plus profondes et des plus dignes que l'Académie aurait pu choisir, mais qu'elle s'en peut attendre des éclaircissements parfaits là-dessus. Jusqu'ici M. Clairaut a fait un mystère de sa nouvelle méthode [C. 40], mais dès qu'il la publie, comme c'est une affaire du calcul, il faut absolument, ou que nous autres soyons convaincus de sa justesse, ou que nous y trouvions quelque faute : et quoi qu'il arrive, l'astronomie, la physique et l'analyse même en tireront toujours un profit sûr et très considérable, qui même ne saurait manquer. Car c'est de là que dépendent toutes les petites inégalités dont on s'aperçoit de plus en plus, non seulement dans le mouvement de la Lune, mais aussi dans celui de toutes les planètes. À cet égard, on peut dire avec raison que jamais aucune Académie n'a proposé une question aussi importante et dont l'explication promît tant de fruits pour l'avancement des sciences. Quoique j'aie déjà longtemps travaillé dans cette matière, je la reprendrai pourtant de nouveau en y apportant tous les soins possibles : cependant quelque grande que puisse être mon espérance de réussir, comme ma place auprès de l'Académie n'est pas encore remplacée, j'y renoncerai avec bien du plaisir, en cas que Son Excellence M[on]s[ei]g[neu]r le Président jugeât à propos de m'employer plutôt parmi le nombre des commissaires, qui seront nommés à examiner les pièces envoyées sur cette matière. Car comme il s'agira d'un examen des calculs forts longs et fort compliqués, peut-être que je serai en état de faire par là un plus grand service à l'Académie, à quoi aboutissent tous mes soins (Juskevic 59-76, vol. 2, pp. 186-187).
Abréviations
Référence
Courcelle (Olivier), « 3 janvier 1750 (1) : Euler (Berlin) écrit à Teplov », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n3janvier1750po1pf.html [Notice publiée le 19 août 2010].