Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


2 novembre 1732 (2) : Jean I Bernoulli (Bâle) écrit à Clairaut :
Monsieur

J'ai été empeché de repondre plutot à votre agreable lettre [cf. 1 octobre 1732 (1)] par une fluxion sur la poitrine, dont je ne suis pas encore bien retabli : vous voyés par là que je n'ai pas mal fait en vous conseillant de differer votre voyage de Bâle jusqu'au printemps, car vous auriés eu peu de satisfaction auprès de moi pendant la saison dans laquelle nous entrons et qui me cause ordinairement des incommodités ; plût à Dieu que j'en fusse quitte pour celle que je viens d'essuyer. Enfin j'ai lû vos deux belles solutions avec beaucoup de plaisir, je les trouve conformes au miennes. Quand à la premiere [C. 8] où vous determinés la courbe à double courbure sur une surface courbe donnée, je vois que la methode dont vous vous servés est à l'imitation de celle que j'empoyai dans les mémoires de 1718 pour les isoperimetres, où je montre la maniere de trouver ces courbes presque sans calcul, au lieu qu'il en avoit couté à feu mon frere une peine de calculer immense. Si vous avés le dessein de publier votre solution, vous ne feriés pas mal à ce qui me semble de faire quelque petit avertissement pour prevenir l'equivoque.

Par ex. quand vous dites soit nommé la difference de [maths]..... et soit exprimé de meme la difference de [maths], il faudroit insinuer que par ce dy vous n'entendés pas encore l'élement Km, mais que jusqu'ici vous considérés les trois éléments MR, RM, Sn comme des grandeurs finies par rapport à dy, qui est la difference de la variable Rm. Car c'est ainsi que vous le prenés jusqu'à l'endroit où vous dites Il faut regarder cette equation seulement comme exprimant une propriété de la courbe et tacher d'en tirer une equation entre x, y et z etc.

Je remarque outre cela une petite inadvertance, commise sans doute en transcrivant votre solution ; c'est que dans la page penultieme de ce qui regarde cette solution il faut écrire [maths] au lieu de [maths], comme vous avés ecrit en 8 differens endroits. Pour ce qui est au reste de cas particulier de ce probleme, où il s'agit de tirer la plus petite ligne sur une surface courbe donnée, j'ai encore une autre methode independente de la nature du minimum, [mais qui est fondée sur ce que la courbe censée doit avoir cette proprieté, qu'un plan qui passe par 3 points infiniment proches, doit étre toujours perpendiculaire au plan qui touche la surface courbe dans un de ces 3 points. M[onsieu]r de Maupertuis pourroit vous communiquer cette methode. Il est vrai qu'elle est un peu plus difficile, mais elle] est utile en d'autres cas où la generale ne peut pas étre appliquée, comme par ex. si on demandoit une courbe à double courbure sur une surface courbe donné [en marge : dont le plan passant par 3 points infiniment proches quelconques ait une inclinaison donnée] avec le plan qui touche la surface dans un de ces points, soit que cette inclinaison soit constante par ex. de 60°, ou qu'elle soit variable selon une loi donnée.

Votre solution, Monsieur, du second probleme sur les épicycloide spheriques [C. 5] est aussi tres elegante, j'en suis charmé, et je ne doute nullement que vous ne la trouviés conforme à la mienne, tirée du meme fondement, excepté que la votre est plus analytique et la mienne plus geometrique. Je vois avec etonnement, que vous étes en etat de resoudre les problemes qui donneroient de la besogne aux plus habiles analystes et où les plus versés et les plus habitués dans les calculs pourroient se tromper, comme il est arrivé en effet à M[onsieu]r Herman, qui a commis dans sa solution de ce meme probleme un grand paralogisme. Ce seroit donc bien sous votre manuduction que je devrois me perfectionner dans la sublime analyse ; si j'etois moins agé, je vous prierois volontiers de me donner des leçons au lieu que vous m'en demandés. Soyés persuadé que c'est sans flatterie que je parle de la sorte. Permettés que je vous indique quelques petites meprises faites en hatant d'écrire : [maths]

J'ai l'honneur d'étre avec une veritable estime, Monsieur, votre etc. J. Bernoulli

Bâle ce 2 [novem]bre 1732 (UB Basel, L I a 673, 194).
Cette lettre a pu être transcrite et présentée ici grâce à Fritz Nagel (Bernoulli Edition, Basel).

Clairaut répond à Jean I Bernoulli les 29 novembre 1732 et 6 janvier 1733 (cf. 29 novembre 1732 (1)), 6 janvier 1733 (1)).
Abréviations
Courcelle (Olivier), « 2 novembre 1732 (2) : Jean I Bernoulli (Bâle) écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n2novembre1732po2pf.html [Notice publiée le 21 décembre 2007].