Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


26 mars 1761 (1) : Les sœurs Planström : déposition Hussenot :
[En marge : 1ere [témoin], r[écolée], c[onfrontée] aux deux [accusés]]

Suzanne Hussenot agée de trente un ans, fille domestique du s[ieur] Duplessis, directeur des ponts et chaussées, demeurant a Paris chez led[it] s[ieur] Duplessis, rue de Bourbon a la Villeneuve, paroisse Notre Dame de Bonne Nouvelle, après serment par elle fait de dire vérité, qu'elle a declaré n'être parente, alliée, servante, ny domestique des parties et a representé l'exploit d'assignation a elle donné ce jourd'huy par Jean Francois Boudranghain, huissier au [...] en la cour des monnoyes a Paris,

depose du fait en question lecture a elle faitte desdites plainte, requete et ordonnance ; qu'elle a servy la dame de Pelletot pendant huit mois ou environ ayant servy a la demenager de la rue des Augustins au terme de la S[ain]t Jean [novem]bre cinquante neuf a la rue de la Comedie Françoise ou elle a demeuré jusqu'au terme de Pasque mil sept cent soixante ; que dès les commencements que la deposante a demeuré dans la rue de la Comedie Française, elle a vû laditte dame de Pelletot vivre en très grande liberté et familiarité avec un jeune homme qui se faisoit apeller le comte de Roque et que quoi qu'il ne se deshabillat pas, elle les a souvent vû se preter aux plus grandes privautés, ayant connoissance qu[e] ayant soupé ensemble, il y restoit jusqu'a des quatre a cinq heures du matin, que la deposante lui a souvent porté des lettres et sait que sa maitresse alloit frequemment lui rendre visite dans l'hotel garny ou il etoit logé, rue Saint Dominique ; sait que la dame de Pelletot a accusé led[it] s[ieur]comte de Roque de lui avoir emporté ses diamants et bijoux, mais que dans le fait, elle les lui avoit confié elle même eû egard a la depense qu'il faisoit pour elle ; quele s[ieur] Roze, valet de chambre de chambre de M. l'envoyé de Suede a pareillement soupé plusieurs fois chez lad[ite] dame de Pelletot, et que toutes les fois qu'il y soupoit, il restoit avec elle jusque des trois a quatre heures du matin, sans a la verité se deshabiller, ce qui n'a pas empêché la deposante de les voir se connoitre charnellement ; que la deponsante a entendu et vû lad[ite] dame de Pelletot faire les plus grandes caresses aud[it] s[ieur] Roze, en lui disant de prendre garde de donner de la jalousie au sieur comte de Bragelogne dont elle avoit un extreme besoin ; que le premier jour que le sieur comte de Bragelogne a reconduit lad[ite] dame Pelletot chez elle au mois de janvier mil sept cent soixante, il s'est deshabillé et a couché avec elle ; qu'il y est venu plusieurs jours de suite et y a pareillement couché s'etant deshabillé ; que la deposante les a vus plusieurs fois couchez dans le meme lit tous nuds l'un et l'autre ; qu'ils l'ont souvent même sonnee et appellée etant tous deux couchez dans le meme lit, se sont decouverts en sa presence, en lui montrant leurs cuisses touttes nues, et lui demandant qui est-ce qui les avoient plus blanches ; que meme dans le jour lorsque led[it] comte de Bragelogne arrivoit la deposante etoit obligé de se retirer pourle laisser seul avec la dame de Pelletot, et que quelque tems après on l'appeloit et qu'on l'obligeoit vû [son etat] a jetter de l'eau sur les parties honteuses dud[it] s[ieur] de Bragelogne, que lui et lad[ite] dame de Pelletot vouloient meme la forcer a montrer ses cuisses pour connoitre si elles étoient aussi blanches que les leurs ; que la deposante ayant été invitée d'aller faire le diner chez la dame Bocard [cf. 2 avril 1761 (5)] reue de Grenelle ou lesd[its] sieur de Bragelogne et dame Pelletot devoient diner, elle a entendu led[it] s[ieur] de Bragelogne tenir le propos le plus indecent en disant qu'il avoit couru la meme nuit quatre ou cinq postes avec lad[ite] dame de Pelletot a quoy elle s'etoit contentée de repondre que c'etoit un hableur et que dès qu'il en avoit couru la moité, il etoit hors d'haleine ; qu'elle a entendu dire plus de cent fois a la dame de Pelletot les propos les plus indecens sur le compte de son mary et que des qu'elle apprendroit sa mort elle feroit metttre a la broche une bœuf gras qui auroit des cornes si hautes qu'il ne pourroit pas entrer dans la maison ; qu'elle est convenue plusieurs fois en sa presence qu'elle a lui avoit rien apporté en dot mais qu'elle seroit bien fachée de retourner avec luy parce qu'elle auroit peur qu'il ne l'empoisonnat, attendu que c'etoit un coquin et un sellerat ; qu'elle a été souvent insultée dans la maison ou sa maîtresse demeuroit rue de la Comedie Francoise au sujet du commerce honteux qu'elle menoit publiquement avec led[it] s[ieur] de Bragelogne qui avoit meme le passe partout et y entroit a touttes sortes d'heures de jour et de nuit ; que la deposante ayant trouvé sous un canapé ou fauteuil des linges teints d'une tres vilaine couleur, lad[ite] dame de Pelletot les avoient arraché[s] avec precipitation des mains de la deposante en lui disant qu'ils apartenoient aud[it] s[ieur] comte de Bragelogne ; que la deposante a preparé differents remedes que laditte dame de Pelletot lui ordonnoit disant qu'elle avoit des [...] fleurs blanches ; que dans des disputes que la deposante a eues avec lad[ite] dame de Pelletot, led[it]s[ieur] de Bragelogne s'est emporté jusqu'à luy dire que c'etoit luy qui etoit le maitre chez cette dame et qu'elle n'en devoit point reconnoitre d'autres, ce qui avoit été appuyé par lad[ite] dame de Pelletot, qu'avoit meme frapé la deposante qui avoit ete obligée de se retirer en lui disant qu'elle seroit bien fachée d'avoir les memes reproches a se faire que lui et qu'elle le deffioit de venir chez un commissaire ; que la veuve Hish, veuve d'un Suisse et qui faisoit des menages etant venuë chez lad[ite] dame de Pelletot, elle lui a demandé un secret pour faire mourir son mary et qu'elle, deposante, lui a donné un écu de trois livres par ordre de sa maitresse ; que led[it] s[ieur] de Bragelongne et lad[ite] dame de Pelletot ont envoïé la nommée Aimée chez la deposante lui faire differentes offres dont elle n'est [...] afin de l'engager a ne point deposer contre eux ; qu'elle a entendu le nommé Pinte [cf. 3 avril 1761 (1)] et sa sœur [cf. 7 décembre 1761 (5)] dire qu'ils avoient vû led[it] s[ieur] de Bragelogne plusieurs fois couché avec lad[ite] dame de Pelletot et que led[it] s[ieur] de Bragelogne les avoit excité plusieurs fois a se preter a ses desirs, a meme commettre le peché contre nature, qui en tout ce que la deposante a dit sçavoir. Lecture a ete faitte de sa deposition a dit jurer contenir la verité, y a persisté, n'a requis salaire et a signé en cet endroit de la minutte des presentes [...] [N'a requis salaire] (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 1).
L'information se poursuit avec la déposition de la Jeanne-Françoise Testevuide, veuve Michel, dite la Courbon (cf. 26 mars 1761 (2)).

Le 16 octobre, lors du récolement :
Est aussy comparue Suzanne Ussenot, premiere temoin de lad[ite] inf[ormati]on, laquelle apres serment et que lecture luy a été faite de sa deposition a dit ycelle contenir verité, n'y vouloir augmenter, ny diminuer, y a persistée hors qu'elle ajoute que que la f[emm]e Jullien est venue luy dire lundy d[ernie]r sur les trois heures de l'apres midy qu'elle venoit de chez le commissaire de la Rue [...] et que deux particuliers dont l'un avoit la croix de Saint Louis l'avoient conduit chez le comm[issai]re pour dire du mal d'elle temoin, afin qu'on l'envoya chercher, que cette femme Jullien luy a ajouté qu'on avoit voulu luy faire deposer chez ce commissaire que le s[ieu]r de Pelletot avoit donné au mary de la f[emm]e Jullien vingt Louis pour le faire deposer contre le s[ieu]r de Bragelonne, et que la f[emm]e Jullien luy a encore fait part qu'elle avoit fait une declaration chez led[it] commissaire en lui observant que le particulier ayant le croix de S[ain]t Louis l'avoit beaucoup pressé d'indiquer la demeure d'elle temoin pour luy faire aussy sa declaration, en l'avertissant que lesd[its] particuliers avoient faits beaucoup de menaces contre elle temoin, qu'ainsy elle devoit prendre garde à elle, n'a plus voulu augmenter ny diminuer, y a persistée, lecture aussy a elle faite de ce que dessus, y a pareillement persistée et signé (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 20).

Le même jour, lors de la confrontation avec la demoiselle de Planström :
Fait revenir lad[ite] accusée a laquelle avons confrontée Suzanne Hussenot, premiere temoin de lad[ite] inf[ormati]on, recollée en sa deposition, desquelles le serment pris en presence l'une de l'autre, et qu'elles ont dit se connoitre, de ce interpellée suiv[an]t l'ord[onnan]ce.
Lecture faite des nom, surnom, qualité et demeure de la temoin et de la declaration par elle faite et ycelle accusée interpellée de proposer reproches avisée de l'ord[onnan]ce.
L'accusée a dit pour reproche que la temoin apres avoir ete sa domestique a cherché tous les moyens de luy faire de la peine, a voulu suborner des temoins contre elle accusée, qu'elle est elle meme un temoin suborné, que le s[ieu]r de Pelletot l'a habillé de neuf parce qu'elle a deposé contre elle accusée, d'ailleurs que la temoin pendant qu'elle a eté a son service, l'a pillée et volée pour sans doute donner a des soldats aux gardes et a un coureur avec lequel elle couchoit, n'a proposé d'autres reproches.
Le temoin a denié les reproches comme faux, et a dit que bien loin d'avoir volé l'accusée, c'est l'accusée qui luy retient encore du linge et des chemises.
Lecture faite de la deposition et recollement de la temoin en presence de l'accusée, la temoin a persistée et dit que c'est de l'accusée presente dont elle a parlé par sa deposition sous le nom de la dame de Pelletot, a laquelle elle soutient le contenu en ycelle veritable, joint son recollement.
L'accusée a dit que la temoin est une malheureuse qui merite la corde, que sa deposition n'est qu'un tissue de calomnie, qu'elle doit etre entierement rejettée comme celle d'un domestique reprochable, et qu'elle n'a pas de connoissance du contenu du recollement de la temoin.
La temoin a soutenu ses deposition et recollement veritables.
Lecture ont persisté et signé Husnot, Planström, Lenoir (AN, Y 10237, dossier Planstrom, pièce 21).

Le lendemain, lors de la confrontation avec le comte de Bragelongne :
Fait revenir l'accusé auquel avons confronté Suzanne Ussenot, premiere temoin de lad[ite] inf[ormati]on, recollée en sa deposition, dequels le serment pris en presence l'un de l'autre, ont dit se reconnoitre, de ce interpellé suiv[an]t l'ord[onnan]ce.
Lecture faite des nom, surnom, age, qualité et demeure de la temoin et de la declaration par elle faite et ycelui accusé interpellé de proposer reproches avisé de l'ord[onnan]ce.
L'accusé a dit pour reproche que la temoin a mené a la connoissance de luy, accusé, la conduite la plus debauchée avec des soldats aux gardes, des coureurs et autres, que c'est en consequence de cela qu'il y a eu differentes plaintes rendues contre elle par devant des commissaires, que la temoin est en outre a la tête de la cabale monstrueuse et de temoins surbornés chez lesquels elle n'a cessé d'aller avec le s[ieu]r de Pelletot pour offrir de l'argent auxd[its] temoins, que de plus c'est la temoin qui, domestique de la d[am]e de Pelletot, fit a sa maitresse des violences si scandaleuses dans la maison ou demeuroit lad[it]e de Pelletot dans la rue de la Comedie Francoise, que lad[it]e de Pelletot fut contrainte de s'aller jeter aux pieds de mad[am]e la duchesse de Modesne pour luy demander un refuge chez elle jusqu'au terme suivant, que la temoin a encore continué ses insultes et ses violences envers lad[it]e de Pelletot dans la rue de Grenelle ou lad[ite] dame de Pelletot fut ensuite demeurée, lesquelles causèrent un scandale si terrible, et une emeute si considerable que lad[ite] d[am]e de Pelletot fut encore obligé d'envoyer chercher du secours a l'hotel de Modesne, de sorte que pour toutes ces raisons, il recuse son temoignage comme suspect.
La temoin a dit pour repondre aux reproches que sa conduite est irreprochable, qu'elle ne sçait pas s'il y a eu des plaintes de rendues contre elle, qu'elle n'a jamais eté chez aucun temoin avec le s[ieu]r de Pelletot, qu'elle n'a connu le s[ieu]r de Pelletot qu'après avoir quitté le service de lad[ite]e de Pelletot, et que si elle a été chez lad[it]e de Pelletot apres etre sorty de chez elle, ce n'a eté que pour luy redemander son linge, en consequence denie les reproches comme faux et supposés.
Lecture fait de la deposition et du recollement de la temoin en presence de l'accusé, la temoin a persisté et dit que c'est de l'accusé present dont elle a parlé par sa deposition sous le nom du comte de Bragelongne, et qu'elle soutient le contenu d'ycelle veritable, joint son recollement
L'accusé a denié la deposition de la temoin comme fausse en tout son contenu, et a l'egard du recollement a dit que c'est la temoin qui a eté elle même chez la f[emm]e Jullien, il y a tres longtemps et plusieurs fois, et luy a amené le s[ieu]r de Pelletot, nottament lorsque lad[ite] Jullien etoit en couche, pour engager lad[ite] Jullien à deposer contre luy, accusé, quoi que lad[ite] Jullien n'ayt jamais vû l'accusé, ajoute aussy que la temoin a proposé a la nommée Edmée, dont la temoin parle par sa deposition, de deposer contre luy, accusé, et pour cet effet luy a offert de l'argent conjointement avec le s[ieu]r de Pelletot et de Bellecourt, et un officier de madame de Modesne, se reservant le droit de fournir par ecrit les preuves de la manœuvre qu'a employé la temoin.
La temoin a soutenu ses deposition et recollement veritables, est convenu avoir eté chez lad[ite] Edmée, il y a tres longtemps, depuis qu'elle est sortie de chez lad[it]e de Pelletot, mais a soutenu ne lui avoir jamais offert d'argent, et n'avoir jamais eté chez elle lesd[its] s[ieu]rs de Pelletot et de Bellecour, deniant formellement les faits que lui reproche l'accusé.
Lecture ont persisté et signé. Husnot, de Bragelongne, Lenoir (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 22).

Le témoin est également évoqué dans le factum du comte de Bragelongne (cf. [Décembre] 1762 (2)) et celui de la demoiselle de Planström (cf. [Décembre] 1762 (1)).
Abréviation
  • AN : Archives nationales.
Courcelle (Olivier), « 26 mars 1761 (1) : Les sœurs Planström : déposition Hussenot », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n26mars1761po1pf.html [Notice publiée le 4 mai 2009].