Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


25 avril 1759 (2) : Assemblée publique (2) :
M[onsieu]r de la Lande [Lalande] a lû l'écrit suivant.

Memoire sur le retour de la comete de 1682 observé en 1759 avec les élements de son orbite pour cette derniere o[bs]ervation.

L'univers voit cette année le phenomene le plus satisfaisant que l'astronomie nous ait jamais offerte ; évenement unique jusqu'a ce jour, il change nos doutes en certitude, et nos hypotheses en des demonstrations.
[…]
On ignoroit donc absolument dans quel temps devoit paroitre la comete, et dès l'année 1757 tout le monde l'attendit en effet, et la chercha. M. Delisle, et M. Klinkimbert secretaire du magistrat d'Amsterdam tracerent la route apparente qu'elle tiendroit dans differentes suppositions ; M. Pingré fit une multitude de calculs pour se preparer a la trouver ; M. Jamart [Jamard] donnâ la carte celeste [cf. 4 mai 1757 (1)], et M. Buache la carte geographique de ses dernieres apparitions, et j'annonçai dans les memoires de Trevoux pour le mois de novembre 1757 [cf. 15 octobre 1757 (1)] dans quelle constellation il falloit allors la chercher, parce que la Terre dans ce mois la se trouvoit au point de son orbite qui est le plus voisin de celle de la comete. Ce fut alors que M. Clairaut conçut le dessein de calculer rigoureusement ce que l'attraction de Jupiter avoit pû faire en 1681 et 1683 dans les tems ou il avoit passé si pres de la comete.

Je me chargeay pour abreger un long travail qu'il entreprit si courageusement de calculer les tables des elongations et des distances entre la comete et Jupiter, pour chaque degré d'anomalie excentrique, parce qu'il falloit nécessairement connoître ces positions pour calculer les forces de Jupiter. Quand M. Clairaut auroit voulû supposer avec Mr Halley qu'il etoit permis de négliger l'action de Jupiter dans les années ou il en etoit à de grandes distances, il n'auroit pas tardé a être dissuadé ; les premiers calculs lui firent voir que dans le tems même ou la comete etoit a une distance prodigieuse de Jupiter, son orbite ne laissoit pas d'en être troublée, surtout par l'action de [Jupiter] sur le Soleil qui en deplaçant le Soleil d'une petite quantité, donne a l'orbite de la comete un foyer different. Il trouva le moyen de déterminer par une synthèse fort élegante la quantité qui devoit resulter dans le mouvement de la comete de cette action sur le Soleil. Le reste se fit par une analyse tres compliquée et des quadratures approchées d'une multitude de courbes, dont on avoit calculé arthmetiquement les ordonnées.

La suite du calcul fit voir ensuite que l'effet de Jupiter etant si grand, celui de Saturne ne pouvoit pas etre negligé. Il fallut entreprendre ce nouveau travail, calculer de nouvelles tables, quarrer de nouvelles courbes, enfin le calcul devenant enormement compliqué, et les approximations renfermant toujours une certain degré d'imperfection, il fallut calculer par la même voye les actions de Jupiter et de Saturne dans la période de 1531 a 1607 pour voir si les methodes representeroient avec une exactitude suffisante, la différence de près d'un an qu'on y avoit remarqué[e]. Le calcul se trouva differer d'environ un mois de l'observation, c'etoit une precision assez grande eu egard a l'immensité de l'objet pour que M. Clairaut dût s'applaudir de ses succés. Il publia donc enfin au mois de novembre [cf. 15 novembre 1758 (1)] son resultat qui donnoit environ 618 jours pour l'excès de la periode actuelle sur la periode précedente, d'où il suivoit que la comète devoit se retrouver dans son perihelie vers le milieu d'avril de cette annee, mais il y mit une restriction modeste, et qui devient aujourd'hui tres remarquable, voici ces termes (Journal des sçavans janv[ier] 1759 [C. 48]) : « On sent avec quels menagements je présente une telle annonce, puisque tant de petites quantités négligées nécessairement par les methodes d'approximation pourroient bien en alterer le terme d'un mois comme dans le calcul des periodes precedentes. » M. Clairaut demandoit un mois de grace en faveur de la theorie, le mois s'y est trouvé exactement, et la comete est descenduë après une periode de 586 jours plus longue que la derniere fois, 32 jours avant le terme qui luy etoit fixé.

Mais qu'est-ce que 32 jours sur un intervelle de plus de 150 ans dont on avoit a peine observé grossierement la 200e partie, et dont tout le reste s'etend hors de la portée de notre vuë, qu'est-ce que 32 jours pour toutes les autres attractions du sistème solaire dont on n'a point tenu compte, pour toutes les cometes dont nous ignorons la situation, et pour la resistance de la matiere etherée qu'on ne peut approcher, et pour toutes les quantités qu'on y est forcé de négliger dans l'approximation du calcul.
[…]
Une difference de 586 jours produite par les forces pertubatrices de Jupiter et de Saturne devient une demonstration plus frappante qu'on n'eut jamais osé espérer du grand principe de l'attraction, et [elle] met cette loy au nombre des verités fondamentales de la physique dont il n'est pas plus possible de douter actuellement que de l'existence même des corps qui la produisent.
[…]
Les inegalités de la Lune, dont M. Clairaut s'est occupé depuis quinze ans, l'ont guery dans cette penible carierre ; mais ce nouveau travail est certainement une des operations les plus difficile et les plus etonnantes que la géométrie ait encore faites. […] Nous devons a M. Clairaut les plus belles preuves qu'il restât a donner de la gravité universelle.
[…]
Je ne tarderai pas a dresse avec une nouvelle exactitude les tables des situations de Jupiter et de Saturne par rapport a la comte dans lesquelles j'avois negligé bien de petits objets afin d'appliquer a ces nouveaux élemens les methodes dont M. Clairaut a enrichi la géométrie (PV 1759, f. 363-385r).

Gallica

Lalande relira son mémoire les 4, 7, 11 et 14 juillet 1759 (PV 1759, ff. 522v, 524v, 528r, 534v).

Il est publié, sous une forme légèrement différente, dans (Lalande 59) (cf. [c. juin] 1757 (1)).

De longs passages en seront repris par l'historien du volume académique de 1759 (HARS 1759 (1765) Hist., pp. 130-133).

Il est également publié, avec de petites variations, dans (Halley 59). Parmi celles-ci, Lalande ramène notamment à 30 jours les 32 jours d'avance de la comète, et cite Madame Lepaute comme aide dans les calculs (cf. 28 juillet 1759 (1)). Il sera plus complet sur ce point dans sa Bibliographie astronomique (cf. [c. juin] 1757 (1)).

Il a été librement résumé dans le Journal encyclopédique (cf. Juin 1759 (1)), dans le Mercure de France (cf. Juin 1759 (2)) et dans l'Année littéraire (cf. Juin 1759 (3)).

Lalande dans l'article « Comètes » du Supplément à l'Encyclopédie :
Le retour de la comète de 1682, observée en 1759, a donné le dernier degré de certitude et d'évidence à la théorie qui se trouve expliquée dans le Dict[ionnaire] rais[onné] des sciences, etc. Sa période s'est trouvée à la vérité plus longue que la précédente d'environ 600 jours; mais il est prouvé que les attractions seules de Jupiter et de Saturne pouvaient produire une aussi grande différence. Je proposai en 1757 à M. Clairaut de lui calculer une table des distances de la comète à Jupiter et à Saturne depuis 1531 jusqu'à 1759, avec les angles de commutation et les forces attractives de ces deux planètes sur la comète, afin qu'il y appliquât sa théorie du problème des trois corps, et que nous pussions voir si cette attraction devait accélérer ou retarder le retour de la comète qu'on attendait pour 1757 ou 1759. Ce travail immense eut tout le succès que nous en espérions, comme je l'ai expliqué fort au long dans l'histoire et dans les mémoires de l'Académie pour 1769 [1759 !]. M. Clairaut trouva que la révolution de la comète devait être de 611 jours plus grande que celle de 1607 à 1682, dont 100 jours pour l'action de Saturne, et 511, pour l'effet de Jupiter. Suivant ces premiers calculs, elle devait passer dans son périhélie au milieu d'avril (Voyez ma Théorie des comètes, à la suite des Tables de Halley, 1759, page 110 [Halley 59], cf. 28 juillet 1759 (1)). Elle y passa le 13 mars ; et malgré l'immensité des calculs que nous fîmes M. Clairaut et moi, les quantités négligées produisirent un mois d'erreur dans la prédiction ; mais M. Clairaut l'avait prévu, et il a fait voir ensuite que l'erreur se réduisait à 22 jours, et qu'il y aurait des moyens de pousser l'approximation assez loin ; pour rendre l'erreur encore moindre, à moins que d'autres attractions ne se joignent à celles de Jupiter et de Saturne. Les recherches de M. Clairaut sur cette matière, se trouvent en abrégé dans une pièce qui a remporté le prix de l'Académie à Pétersbourg en 1762 [C. 56], et plus en détail dans sa Théorie du mouvement des comètes, (in-8, 1760, 241 pag[es] À Paris, chez Lambert) [C. 51]. On trouvera aussi de très belles recherches de M. d'Alembert, sur le même sujet, dans le second volume de ses Opuscules mathématiques [(Alembert 61-80)], pag[e] 97 et suivantes, et dans la pièce de M. Albert Euler, qui a remporté en 1762 le prix proposé par l'Académie de Pétersbourg [(Euler 62a)], concurremment avec M. Clairaut (Lalande 76e).
Abréviations
  • C. 48 : « Mémoire sur la comète de 1682, adressé à MM. les auteurs du Journal des sçavans », Journal des sçavans, janvier 1759, pp. 38-45 [Télécharger] [15 novembre 1758 (1)] [(1 juillet) 20 juin [1731]] [19 novembre 1755 (1)] [Plus].
  • C. 51 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie du mouvement des comètes, dans lesquelles on a égard aux altérations que leurs orbites éprouvent par l'action des planètes. Avec l'application de cette théorie à la comète qui a été observée dans les années 1534, 1607, 1682 et 1759, Paris, Michel Lambert, s. d. [1760] [Télécharger] [8 août 1759 (1)] [(1 juillet) 20 juin [1731]] [6 avril 1743 (1)] [Plus].
  • C. 56 : Clairaut (Alexis-Claude), Recherches sur la comète des années 1531, 1607, 1682 et 1759, pour servir de supplément à la théorie par laquelle on avait annoncé en 1758 le tems du retour de cette comète. Pièce de M. Clairaut... qui a remporté le prix proposé par l'Académie impériale de Saint Pétersbourg pour l'année 1761..., Saint-Pétersbourg, Impr. de l'Académie impériale des sciences, 1762, in-4°, 42 p. pl [Télécharger] [3 décembre 1761 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [[c. juin] 1757 (1)] [Plus].
  • HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
  • Hist. : Partie Histoire de HARS 17..
  • Mém. : Partie Mémoires de HARS 17..
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
Courcelle (Olivier), « 25 avril 1759 (2) : Assemblée publique (2) », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n25avril1759po2pf.html [Notice publiée le 4 juin 2011].